Accélération du développement d’énergies renouvelables : une avancée à reculons ?

 Extrait de la Gazette n°51- Décembre 2022

« Il n’y a pas de transition énergétique et climatique s’il n’y a pas une décarbonation de l’énergie produite, en particulier notre électricité ».

C’est sur ces quelques mots introductifs que Monsieur le Président Macron a amorcé le désormais célèbre discours de Belfort, prononcé le 10 février 2022 [1]. Tout au long de ce discours, le Président est revenu sur les choix énergétiques de la France et a annoncé les « chantiers » devant être entrepris par notre pays afin que l’on « reprenne en main » notre destin énergétique. Parmi les mesures annoncées, il a été rappelé que le développement des énergies renouvelables et de l’énergie nucléaire doit être érigé comme une nécessité afin de parvenir à la décarbonation de l’électricité. Si cette décarbonation n’est pas un objectif nouveau, il est toujours opportun de rappeler qu’elle constitue l’un des moyens permettant de parvenir à la neutralité carbone.

La France s’est successivement engagée, en ce sens, entre autres au travers de l’Accord de Paris, du « Paquet Climat » de l’Union européenne, et de la loi de transition énergétique pour la croissance verte [2], à atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. Pour tenir cet objectif, le Président de la République a indiqué, à Belfort, que la France doit être en mesure de produire soixante pour cent d’électricité en plus de celle produite aujourd’hui, la priorité étant axée sur le développement de l’énergie solaire. Il a en effet annoncé vouloir multiplier, d’ici 2050, près de dix fois la puissance installée pour dépasser cent gigawatts.

En complément du développement des énergies renouvelables, le discours rappelait l’importance de poursuivre les efforts déployés dans le domaine de l’énergie nucléaire, la décarbonation ne pouvant reposer uniquement sur le photovoltaïque ou l’éolien. Un tel mix énergétique diversifié serait en effet « le choix le plus pertinent d’un point de vue écologique et le plus opportun d’un point de vue économique et enfin le moins coûteux d’un point de vue financier ». Comme le souligne à juste titre le rapport Futurs énergétiques 2050 publié par RTE [3] en début d’année 2022, les engagements climatiques de l’Union européenne et de la France ne se limitent pas à l’horizon 2050. Dans cette attente, l’ensemble des engagements pris par la France, et notamment ceux inscrits à l’article L. 100-4 du Code de l’énergie, constitue la ligne directrice devant être suivie afin de pouvoir répondre, progressivement, à l’urgence écologique et climatique.

De surcroît, dans ce contexte climatique alarmant, les récents évènements liés au conflit russo-ukrainien ont démontré la nécessité de disposer de ressources énergétiques propres, afin de limiter la dépendance aux énergies provenant de pays tiers, et notamment d’énergies fossiles. Face à une telle situation, la Commission européenne a présenté, le 18 mai 2022, le plan REPowerEU, destiné à réduire la dépendance aux énergies russes et, par là-même, accélérer la transition écologique.

La proposition de plan reposait sur trois axes, le premier tenant au développement d’un système énergétique fondé sur les énergies renouvelables.

La Commission proposait ainsi d’augmenter la part d’énergies renouvelables dans le bouquet énergétique européen d’ici 2030, en l’élevant à quarante-cinq pour cent, au lieu des quarante pour cent récemment fixés dans le cadre du Paquet « Ajustement à l’objectif 55 ». Dans ces quarante-cinq pour cent, le développement de l’énergie photovoltaïque était particulièrement mis en avant, avec un objectif de mise en service de six cents gigawatts d’ici à 2030. Cette proposition faisait écho à celle annoncée par le Président Macron à Belfort, et s’entendait logiquement en raison des délais attachés au développement de parcs solaires, en principe plus rapides -ou, à tout le moins, un peu moins longs- que ceux des parcs éoliens. Grâce à ce nouvel objectif de quarante-cinq pour cent, la capacité totale d’énergies renouvelables aurait pu être portée à 1236 gigawatts d’ici à 2030. En sus de ce premier axe proposé par la Commission, un deuxième visait à renforcer les mesures d’efficacité énergétique, et un troisième à diversifier les sources d’approvisionnement en gaz, par le biais d’importations ne provenant pas de Russie.

Notons que, si le 19 décembre 2022, le Conseil de l’Union européenne (ci-après le « Conseil de l’UE ») est parvenu à un accord sur certaines modifications proposées dans le cadre du plan REPowerEU, il a toutefois écarté la proposition de la Commission européenne de réhausser l’objectif de la part des énergies renouvelables dans le bouquet énergétique européen à quarante-cinq pour cent.

En outre, ce même jour, sur proposition de la Commission européenne, le Conseil de l’UE a définitivement adopté un nouveau règlement temporaire d’urgence visant à accélérer le déploiement des sources d’énergie renouvelable [4]. Ce règlement est destiné à s’appliquer pendant dix-huit mois, soit le délai nécessaire à l’adoption et à la transposition de la directive RED II, relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables.

L’objectif de déploiement des sources d’énergie renouvelable prend appui sur cinq types de mesures.

Premièrement, le règlement simplifie la procédure « dérogation espèces protégées », en instaurant une présomption d’intérêt public supérieur au bénéfice de la planification, de la construction et de l’exploitation des installations de production d’énergie renouvelable.

Une faculté est toutefois laissée aux États membres de restreindre cette présomption à certaines parties de leur territoire ainsi qu’à certains types de technologies ou de projets, en fonction des plans nationaux en matière d’énergie et de climat.

Deuxièmement, le règlement simplifie la procédure d’autorisation des installations de production d’énergie solaire en prévoyant que cette procédure ne peut excéder trois mois pour certaines installations, et que l’installation, y compris par des autoconsommateurs, d’un équipement d’une capacité inférieure ou égale à cinquante kilowatts pourra être autorisée tacitement à l’expiration du délai d’un mois suivant le dépôt de la demande d’autorisation, sauf problème de sécurité, de stabilité et de fiabilité du réseau.

Troisièmement, le règlement prévoit la simplification de la procédure de rééquipement des centrales électriques utilisant des sources d’énergie renouvelable, en instaurant un délai maximum d’octroi du permis fixé à trois mois lorsque le rééquipement entraîne un accroissement n’excédant pas quinze pour cent, et à six mois pour les autres rééquipements, en incluant la phase d’évaluation environnementale du projet. Le règlement prévoit par ailleurs de limiter l’évaluation environnementale ou l’examen au cas par cas des projets de rééquipement aux seules « incidences potentielles significatives découlant de la modification ou de l’extension par rapport au projet initial ».

Quatrièmement, le règlement prévoit l’accélération du déploiement des pompes à chaleur (ci-après les « PAC ») en instaurant là encore un délai contraint pour la délivrance des permis, d’un mois pour les PAC de moins de cinquante mégawatts et de trois mois pour les PAC géothermiques. En outre, certains permis relatifs au raccordement au réseau de transport ou de distribution seront octroyés après simple notification à l’entité concernée, sauf exceptions liées à la sécurité ou à des incapacités techniques. L’application de cette mesure est prévue pour les PAC de petites tailles, à savoir, d’une part, les PAC d’une capacité maximale de douze kilowatts et, d’autre part, les PAC d’une capacité maximale de cinquante kilowatts installées par des autoconsommateurs, et à condition que la capacité de l’installation de production d’électricité renouvelable de cet autoconsommateur représente au moins soixante pour cent de la capacité de la PAC.

Cinquièmement, le règlement offre aux États membres la faculté d’exempter d’évaluation environnementale et d’évaluation de la protection des espèces, sous conditions, certains projets situés dans une zone ayant elle-même fait l’objet d’une évaluation environnementale.

Sur le plan national, les discussions portant sur les nouvelles mesures énoncées par le Président Macron à Belfort ont progressivement débuté à partir de l’été 2022. Sans anticiper sur le détail du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables (ci-après le « PJL ») [5], qui fera l’objet d’amples développements dans cet article, notons qu’une instruction du Gouvernement visant notamment l’accélération des projets d’énergie renouvelable a été publiée le 28 septembre 2022 [6].

Dans la seconde partie de l’instruction, il était rappelé à titre liminaire que la France est le seul pays de l’Union européenne n’ayant pas atteint l’objectif de développement de la part des énergies renouvelables pour 2020, fixé à vingt-trois pour cent. Dans ce cadre, et au regard du contexte climatique ainsi que du conflit frappant l’Est de l’Europe, l’instruction demandait la mise en place de « toutes les actions requises afin de faciliter et d’accélérer le traitement des dossiers d’instruction des projets d’énergie renouvelable en cours et à venir et de ne faire en sorte qu’aucune instruction n’excède 24 mois, sauf situation très exceptionnelle ». Le Gouvernement rappelait à cet égard les délais de déploiement des projets d’énergie renouvelable en France, qui sont presque deux fois plus longs que ceux de ses partenaires européens. À titre d’illustration, et comme rappelé dans le discours de Belfort, notons qu’il faut en moyenne environ cinq ans pour qu’un projet photovoltaïque voie le jour. La durée s’allonge encore pour les parcs éoliens, avec une moyenne de sept ans pour les parcs éoliens terrestres, et de dix ans pour les parcs éoliens offshore. L’instruction sommait en outre les préfets de délivrer sans délai les autorisations accordées en application d’une décision de justice. Il est intéressant de relever que le Gouvernement ajoutait, par une formulation étonnante même si l’on comprend l’idée, qu’un pourvoi en cassation ne serait plus automatiquement formé contre les autorisations régulièrement délivrées. Enfin, le texte insistait sur la position d’« État informateur, sensibilisateur et facilitateur », en rappelant aux préfets l’importance de leur rôle d’accompagnateur des collectivités et des populations dans le déploiement des énergies renouvelables.

Bien que poursuivant une démarche louable en ces temps de crise, l’instruction adressée aux préfets serait restée sans effets, au regret de la filière éolienne notamment représentée par France Énergie Éolienne [7].

Dans ce contexte, et dans la continuité du « Jeudi de l’IDPA » du 24 novembre 2022 qui s’est tenu au cabinet Boivin et Associés, que nous remercions à nouveau chaleureusement ainsi que l’ensemble des intervenants et des participants, le présent article se propose d’étudier les dernières avancées nationales en matière d’énergie renouvelable.

Sans prétendre à une analyse exhaustive, seront envisagées certaines mesures du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables (I.), et le décret « contentieux » du 29 octobre 2022 (II.).

I. Le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables

Le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables a été présenté en Conseil des ministres le 26 septembre 2022 par la Ministre de la transition énergétique. À la suite de sa transmission au Sénat ce même jour, le PJL a été examiné, à partir du 26 octobre 2022, par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Un premier projet de texte, adopté par le Sénat, a été déposé à l’Assemblée nationale le 8 novembre 2022. À la date de rédaction du présent article, les multiples séances de débats à l’Assemblée nationale sur le PJL en première lecture ont été clôturées. Ces débats ont été marqués par des divergences notables entre les députés ; notons à cet égard que le PJL déposé à l’Assemblée le 8 novembre a fait l’objet de 1307 amendements, sans compter les 3131 amendements supplémentaires sur la version n° 526-A0 du PJL, adoptée par la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale (ci-après la « commission »). Il est prévu un vote solennel sur le texte le 10 janvier 2023.

En dépit des nombreux désaccords entre le Sénat et l’Assemblée nationale, ce projet entend rattraper le retard français pris dans le déploiement d’énergies renouvelables.

En raison du nombre significatif de dispositions, seuls certains aspects du PJL seront ici abordés, à savoir certains de ceux relevant du volet urbanisme, pris au sens large (1.1.) et d’autres relevant du volet environnemental (1.2.). Un dernier focus spécifique concernera les contrats d’achat d’électricité (1.3.).

La version étudiée résulte du texte n° 526-A0 de la commission, tel que discuté jusqu’au 16 décembre 2022.

1.1. Sur le volet urbanisme

Sous cette dénomination relativement large, seront regroupés et présentés trois apports du projet de loi s’agissant, tout d’abord, de la planification territoriale (1.1.1.), des évolutions des documents d’urbanisme ensuite (1.1.2.) et, enfin, de lamobilisation de foncier (1.1.3.).

1.1.1. De la planification territoriale

Le projet de loi discuté au Sénat comportait un titre Ier A, et plus particulièrement un article 1er A relatif aux « zones propices » à l’implantation d’installations de production d’énergies renouvelables et de production d’hydrogène renouvelable ou bas-carbone, ainsi que leurs ouvrages connexes. Ces zones, définies par les maires, devaient répondre à certains critères, entre autres présenter un potentiel pour le développement des énergies précitées, permettre de maximiser la production au regard notamment des objectifs de la politique énergétique ou encore ne pas présenter d’enjeux sensibles pour le patrimoine commun de la Nation. Le PJL précisait également que ces zones auraient vocation à figurer dans le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires, le schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie et le plan climat-air-énergie territorial, respectivement consacrés aux articles L. 4251-1 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), L. 222-1 et L. 229-26 du Code de l’environnement.

Cette disposition avait cependant soulevé un certain nombre d'interrogations. Parmi celles-ci, la question de l’implantation de projets d’énergie renouvelable en dehors de ces zones propices. D’aucuns craignaient que l’instauration de ces zones rende plus complexe l’implantation de projets dans les zones non qualifiées de zones propices -cette interrogation a par ailleurs été soulevée dans le cadre du « Jeudi de l’IDPA » du 24 novembre 2022-.

Néanmoins, il a été avancé que cette disposition était le fruit d’un compromis, faisant suite au refus de reconnaître un droit de veto aux maires concernant l’installation de projets d’énergie renouvelable sur leur territoire.

Par ailleurs, il peut être relevé que cette disposition interrogeait quant à l’aboutissement de sa rédaction. En effet, le schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie prévu à l’article L. 222-1 du Code de l’environnement, dans lequel devaient être intégrées, par le biais d’une carte indicative, les zones propices, comporte un volet intitulé schéma régional éolien (article R. 222-1 du Code de l’environnement).

Ainsi que le précise l’article R. 222-2 du même Code, ce schéma identifie des parties du territoire « favorables au développement de l’énergie éolienne » (nous soulignons). Or, il ne ressortait pas du PJL dans sa version adoptée par le Sénat que les conséquences de la superposition de ces zones favorables et des zones propices aient été envisagées par les sénateurs.

Cependant, cet article 1er A a été supprimé du PJL par la commission dans un amendement n° CE1205. Le texte propose désormais, à l’article 3 du PJL, d’insérer un article L. 141-5-3 dans le Code de l’énergie relatif aux « zones d’accélération pour l’implantation d’installations terrestres de production d’énergies renouvelables et leurs ouvrages connexes » (nous soulignons). À l’instar de la version précédente, la disposition prévoit que ces zones devront répondre à plusieurs critères, parmi lesquels on retrouve, par exemple, le potentiel d’accélération de la production d’énergie au regard des objectifs de la politique énergétique, de la loi de programmation quinquennale de l’énergie et de la programmation pluriannuelle de l’énergie. À cet égard, deux amendements sont venus ajouter au futur article L. 141-5-3 précité que « les zones d’accélération pour l’implantation d’installations de production d’énergies renouvelables doivent s’efforcer, à compter du 31 décembre 2027, de tendre vers les objectifs prévus par la programmation pluriannuelle de l’énergie ».

Outre ce remaniement du feu article 1er A, il convient de noter qu’une autre disposition prise en matière de planification territoriale avait été ajoutée à l’article 1er BA du PJL. Cet article prévoyait la création d’un plan territorial de paysage comprenant un document d’orientation et d’objectifs et un programme d’actions. Ces plans territoriaux devaient avoir pour objet la définition des « objectifs

de moyen et long termes des territoires en matière de qualité paysagère, d’insertion paysagère des activités humaines et de valorisation des paysages locaux » et devaient être élaborés par les établissements publics de coopération intercommunale ou les syndicats mixtes. Si la démarche était compréhensible au regard de l’objectif, on pouvait néanmoins s’interroger sur l’utilité et la pertinence de la création d’un plan supplémentaire. Dans la continuité de cette interrogation, un amendement n° 2132 est venu supprimer la création de ces plans, estimant qu’il convient davantage de « s’appuyer sur les documents de planification et d’urbanisme existants déjà connus des collectivités ».

Soulignons qu’une autre disposition de planification territoriale, non retirée du texte par les députés, est inscrite à l’article 1er E nouveau du PJL. Il s’agit d’introduire un nouvel article L. 110-1-3 dans le Code de l’environnement, qui disposerait que la méthode de planification territoriale des énergies renouvelables contribue à l’atteinte des objectifs de lutte contre le dérèglement climatique et de neutralité carbone de l’article L. 100-4 du Code de l’énergie. Ce nouvel article préciserait que la planification concilie notamment les principes de souveraineté énergétique et de protection de la biodiversité.

En plus des dispositions proposées en matière de planification, le PJL entend accélérer le développement des projets d’énergie renouvelable en simplifiant certaines procédures relevant du Code de l’urbanisme.

1.1.2. De l’évolution des documents d’urbanisme

L’implantation de projets d’énergie renouvelable suppose que ceux-ci soient compatibles avec les règles d’urbanisme en vigueur sur le territoire d’implantation. Afin de simplifier la mise en œuvre de ces projets, le PJL propose d’ajuster certaines procédures d’évolution des documents d’urbanisme, à savoir la modification simplifiée et la mise en compatibilité.

En premier lieu, l’article 3 du PJL prévoit de compléter les articles L. 153-31 et L. 153-36 du Code de l’urbanisme afin que les orientations du projet d’aménagement et de développement durable (PADD) du plan local d’urbanisme puissent être modifiées via la procédure de modification simplifiée, et non de révision, lorsque ce changement concourt à la production ou au stockage

d’énergie renouvelable. Il pourrait ainsi être recouru à la procédure de modification simplifiée pour les projets ayant pour objet de permettre l’implantation d’installations de production d’électricité renouvelable ou de stockage d’énergie, d’hydrogène renouvelable ou bas-carbone, y compris leurs ouvrages de raccordement aux réseaux de transport et de distribution d’énergie, ou l’implantation d’ouvrages du réseau public de transport ou de distribution d’énergie.

De la même manière, devait relever de cette procédure simplifiée la modification des règles applicables aux zones agricoles en application de l’article L. 151-9 du Code de l’urbanisme, jusqu’à ce que cette possibilité soit supprimée par un amendement n° 1231, motivé par la volonté d’assurer une « protection particulière contre l’artificialisation ». À cet égard, notons cependant qu’en pratique, les zones agricoles et forestières sont les zones privilégiées d’implantation de projets d’énergies renouvelables. Les rédacteurs des plans locaux d’urbanisme ont donc fréquemment recours à la possibilité que leur offre l’article L. 151-11 du Code de l’urbanisme pour autoriser, dans ces zones, les projets à destination d’« équipements d’intérêt collectif », à laquelle sont généralement assimilés les projets solaires et éoliens [8].

En outre, la procédure de modification simplifiée serait utilisée afin de délimiter les secteurs relevant de l’article L. 151-42-1 du Code de l’urbanisme créé par la loi 3Ds, dont l’analyse a fait l’objet d’un article dédié dans notre Gazette n° 50. Si cet article ne concernait à l’origine que les éoliennes, le PJL l’étend désormais aux installations de production d’énergie renouvelable, y compris aux ouvrages de raccordement. La référence aux ouvrages de transport et de distribution d’énergie, prévus initialement dans le texte n° 526-A0, a été supprimée.

Le recours à une modification simplifiée du document d’urbanisme présente l’avantage de la célérité, à tout le moins par rapport à une procédure de révision, en ce qu’elle ne nécessite pas d’enquête publique mais simplement une mise à disposition du public, et conserve la consultation des personnes publiques associées. Sur ce point, dans son avis des 15 et 22 septembre 2022 [9], le Conseil d’État a constaté que la mise en œuvre de la procédure de modification simplifiée, dans les conditions précitées, assure le respect de la Charte de l’environnement.

En second lieu, le PJL étend la possibilité de recourir à la mise en compatibilité du document d’urbanisme aux projets de production ou de stockage d’énergie renouvelable, de production d’hydrogène renouvelable ou bas-carbone, y compris leurs ouvrages de raccordement, ou d’un ouvrage de transport ou de distribution d’énergie. Cette procédure, communément appelée « déclaration de projet », est prévue à l’article L. 300-6 du Code de l’urbanisme, dont la rédaction ne mentionnait jusqu’alors la possibilité d’y recourir que pour déclarer d’intérêt général « une action ou [une] opération d’aménagement [...] ou [...] la réalisation d’un programme de construction ». Dans cette continuité, le PJL modifie l’article L. 300-2 du Code de l’urbanisme en intégrant la possibilité d’une procédure de concertation unique en amont de l’enquête publique, portant à la fois sur le projet et la mise en compatibilité du document d’urbanisme. Le Conseil d’État n’a formulé aucune observation s’agissant de cette procédure commune dans son avis des 15 et 22 septembre.

Pour compléter l’arsenal de mesures proprement urbanistiques, le PJL comporte un certain nombre de propositions relatives au foncier destiné à accueillir les projets renouvelables.

1.1.3. De la mobilisation de foncier

Toujours dans une perspective d’allègement des contraintes et de facilitation de l’implantation de projets d’énergie renouvelable, le texte arrêté au 16 décembre propose plusieurs nouvelles dispositions à cet effet. Sans être exhaustifs, nous retiendrons trois ajouts.

Il est ainsi relevé que l’article 8 du PJL prévoit de modifier l’article L. 2122-1-3-1 du Code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP), afin d’éviter une double mise en concurrence du domaine public de l’État au titre de l’occupation de ce domaine et de l’appel d’offres pour la production d’énergie renouvelable. Pour rappel, le CGPPP impose une mise en concurrence préalable à la délivrance du titre d’occupation en vue d’une exploitation économique prévue à l’article L. 2122-1-1. La loi ASAP [10] avait modifié l’article L. 2122-1-3-1 précité afin de dispenser de procédure de mise en concurrence du domaine public de l’État l’octroi du titre d’occupation destiné à l’installation et l’exploitation d’une installation de production d’énergie renouvelable bénéficiant d’un soutien public, entre autres au sens des articles L. 311-10 ou L. 311-11-1 du Code de l’énergie. Le PJL étend désormais cette possibilité aux

gestionnaires tenant « d’une loi, d’un règlement ou d’un titre la compétence pour délivrer le titre d’occupation », et non plus seulement à l’autorité compétente comme cela était prévu jusqu’alors.

Par ailleurs, il convient de noter que le Conseil d’État a confirmé, par une décision du 2 décembre 2022 présentée dans la rubrique « Brèves juridiques » de la présente Gazette, l’absence d’obligation de mise en concurrence du domaine privé, ce qui devrait pouvoir faciliter l’implantation de projets d’énergie renouvelable sur ce domaine.

En outre, le PJL prévoit, en son article 9, la possibilité de déroger à l’article L. 121-8 du Code de l'urbanisme posant le principe de l’urbanisation en continuité et l’interdiction de construire dans la bande des cent mètres du rivage. Il est ainsi proposé d’introduire un nouvel article L. 121-12-1 autorisant sous conditions, sur des friches listées par décret, les ouvrages nécessaires à la production d’énergie solaire photovoltaïque ou thermique. Cette disposition faciliterait l’implantation de ces ouvrages dans ces zones, étant rappelé par ailleurs que le Conseil d’État considère que les panneaux photovoltaïques constituent une urbanisation au sens de l’article L. 121-8 précité [11], ce qui suppose, pour l’heure, une implantation en continuité et en dehors de la bande des cent mètres. La possibilité d’implanter des ouvrages solaires et thermiques au sol en discontinuité de l’urbanisation existante a également été étendue aux communes de montagne, dotées d’une carte communale, par l’article 10 du PJL.

Enfin, l’introduction de dispositions propres à l’agrivoltaïsme doit être saluée, car plébiscitée par les acteurs de la filière. L’article 11 decies du PJL propose d’insérer, dans le Code de l’énergie, toute une section dédiée aux installations agrivoltaïques, que le PJL définit comme des installations « de production d’électricité utilisant l’énergie radiative du soleil et dont les modules sont situés sur une parcelle agricole où ils contribuent durablement à l’installation, au maintien ou au développement d’une production agricole ». L’article 11 decies se veut plutôt détaillé, en déterminant quelles installations peuvent, ou non, être considérées comme telles. Et d’ajouter un article L. 111-27A dans le Code de l’urbanisme, précisant que ces installations sont considérées comme nécessaires à l’exploitation agricole, ce qui devrait faciliter leur implantation sur ces terrains. À noter toutefois que le cadre juridique proposé par le Sénat a été en grande partie revu par les députés, qui ont supprimé l’éligibilité des parcelles d’implantation aux aides de la politique agricole commune de l’Union européenne, le bénéfice de l’obligation d’achat et de la procédure de mise en concurrence spécifique aux installations agrivoltaïques, ou encore l’introduction d’objectifs dédiés pour l’agrivoltaïsme dans la programmation pluriannuelle de l’énergie.

À côté de ces dispositions, le PJL a également entendu aménager certaines règles relevant du droit de l’environnement.

1.2. Sur le volet environnemental

Si le PJL contient pléthore de dispositions en matière environnementale, nous nous intéresserons, pour les besoins de cet article, à la dérogation dite « espèces protégées » (1.2.1.) ainsi qu’au régime de l’autorisation environnementale (1.2.2.).

1.2.1. De la dérogation « espèces protégées »

Il est très fréquent que les porteurs de projets d’énergie renouvelable, plus particulièrement d’énergie éolienne, demandent une autorisation de déroger à l’obligation de protection des espèces protégées dans le cadre de l’autorisation environnementale. En principe, l’article L. 411-1 du Code de l’environnement interdit, entre autres, la destruction de certaines espèces animales et végétales protégées ainsi que de leur habitat. Toutefois, l’article L. 411-2, 4° du même Code permet de déroger à ce principe, à condition de remplir les trois critères cumulatifs suivants :

  •   il ne doit pas exister d’autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise ;

  •   la dérogation ne doit pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle ;

  •   la dérogation doit être justifiée au regard des motifs listés dans cet article, parmi lesquels se trouvent les raisons impératives d’intérêt public majeur.

    La notion de raison impérative d’intérêt public majeur souffrant d’une absence de définition légale, la jurisprudence est venue en dessiner les contours, à la faveur d’une analyse in concreto et d’une

appréciation relativement sévère. À titre d’illustration, il a pu être jugé que ne répondait pas à cette qualification une centrale hydroélectrique de douze millions de kilowattheures, en raison de sa « contribution utile bien que modeste » audéveloppement de l’énergie renouvelable et notamment de l’hydroélectricité [12]. Il est intéressant de relever que le Rapporteur public avait, dans ses conclusions sur cette affaire, résumé le débat entre les juges du fond s’agissant de l’appréciation de la notion d’intérêt public majeur, en rappelant que « [l]e point de divergence [...] est la référence à prendre en compte pour apprécier s’il y a raison impérative » [13]. Dans une autre décision récente, la reconnaissance de l’intérêt public majeur d’un parc de dix éoliennes d’une puissance de trente mégawatts avait été rejetée en raison de sa contribution modeste à la politique énergétique nationale de développement des énergies renouvelables et de la présence de nombreux parcs éoliens dans la zone considérée [14].

Cette appréciation française restrictive fait écho à la sévérité de l’appréciation portée par la Cour de justice de l’Union européenne qui a estimé, dans un arrêt du 4 mars 2021, que la protection des espèces protégées résultant de la directive Habitats s’appliquait même si l’espèce considérée avait atteint un niveau de conservation favorable [15].

Face à un tel contexte jurisprudentiel, les sénateurs avaient proposé, à l’article 4 du PJL, d’insérer un article L. 211-2-1 dans le Code de l’énergie visant à ce que les projets d’installations de production d’énergie renouvelable, de gaz bas-carbone, y compris leurs ouvrages de raccordement au réseau de transport et de distribution d’énergie soient réputés répondre à une raison d’intérêt public majeur. Cette présomption devait être encadrée par un décret en Conseil d’État précisant les conditions auxquelles devait répondre le projet. Si la disposition ne définissait pas la notion de raison impérative d’intérêt public majeur, il peut être avancé qu’elle aurait pu avoir le mérite de faciliter l’octroi des dérogations « espèces protégées », étant précisé qu’elle n’avait pas pour objet ni pour effet de dispenser le porteur de projet de prouver le respect des deux autres conditions prévues par l’article L. 411-2 précité.

Cependant, cet article 4 du PJL a, par la suite, été supprimé en commission par un amendement n° CE1243. Les députés à l’origine de cet amendement soutenaient que cet article aurait porté atteinte à la Charte de l’environnement ainsi qu’au principe de non-régression, et que « l’arbitrage

entre la recherche d’un supplément d’énergie éolienne et l’impératif de protection de la biodiversité [...] ne saurait être décidé ex ante et de manière générale ». Notons qu’un amendement n° 2738 avait été déposé et visait à réintégrer la présomption de raison d’intérêt public majeur dans le texte, en cohérence avec le règlement d’urgence temporaire de la Commission européenne présenté en introduction de cet article. Si cet amendement est tombé le 14 décembre, un amendement n° 2079 a été adopté le même jour et rétablit la présomption de raison impérative d’intérêt public majeur aubénéfice des projets d’installations de production d’énergie renouvelable ou de stockage d’énergie, ou d’hydrogène renouvelable ou bas-carbone. À la différence de l’article 4 originel du PJL, ces projets n’ont plus à satisfaire à des conditions prévues par décret en Conseil d’État. Il est intéressant de remarquer qu’en séance, Madame Meynier-Millefert, à l’origine de l’amendement n° 2079 avec Madame Brulebois, a déclaré : « Pour ma part, je veux dire que mon amendement n° 2079, défendu par Mme Brulebois, visait avant tout à donner l’occasion au Gouvernement de faire connaître sa position. Nous ne souhaitions pas qu’il soit adopté : pour nous, c’est l’amendement n° 2738 rectifié du Gouvernement qui aurait dû l’être, après avoir été éventuellement sous-amendé »..

Cette réintégration dans le PJL sera probablement accueillie de manière favorable par les porteurs de projets. Cependant, on ne peut que regretter qu’un tel sujet, dont les enjeux pour la biodiversité sont loin d’être négligeables, ne soit pas traité avec plus de rigueur.

Si les élus se sont saisis de la question de la notion d’intérêt public majeur au travers de ce projet de loi, les juges du Palais-Royal ont également eu à se prononcer très récemment sur le sujet des dérogations « espèces protégées » par un avis du 9 décembre [16] qu’il est pertinent de présenter ici. Cet avis fait suite à une demande de la cour administrative d’appel de Douai du 27 avril 2022 [17], par laquelle cette juridiction soumettait au Conseil d’État deux interrogations. En quelques mots, la première concernait le seuil à partir duquel l’atteinte à la conservation d’une espèce ou de son habitat obligeait le demandeur d’autorisation environnementale à déposer une demande de dérogation « espèces protégées ». La seconde portait sur l’appréciation de ce seuil, et sur la prise en compte, par l’Administration, des mesures d’évitement, de réduction et de compensation (ERC) proposées par le pétitionnaire.

Dans son examen des questions en séance publique du 18 novembre 2022 [18], le Rapporteur public proposait trois solutions articulées autour du critère de finalité du projet. Ainsi, il suggérait tout d’abord de retenir que la dérogation serait requise au premier spécimen lorsque l’atteinte constituait la finalité du projet. Ensuite, la dérogation aurait été également requise au premier spécimen pour les projets planifiant la destruction d’habitats ou de spécimens déterminés d’animaux ou végétaux, alors même qu’il ne s’agirait pas d’un effet recherché mais simplement collatéral. Enfin, le Rapporteur public proposait une dispense de dérogation, dans la mesure où le risque serait ramené à un niveau négligeable de sorte qu’il puisse être regardé comme accidentel, dans le cas où la destruction ou la perturbation résulterait d’un événement à la fois non voulu et soumis à un aléa. Pour le Rapporteur public, cette situation inclurait les parcs éoliens.

Dans l’avis du 9 décembre, se détachant des propositions de son Rapporteur public, le Conseil d’État propose une réponse en deux temps, en distinguant la demande et la délivrance de la dérogation. Il retient premièrement que le système de protection « impose d’examiner si l’obtention d’une dérogation est nécessaire dès lors que des spécimens de l’espèce concernée sont présents dans la zone du projet, sans que l’applicabilité du régime de protection dépende, à ce stade, ni du nombre de ces spécimens, ni de l’état de conservation des espèces protégées présentes » [19] (nous soulignons). Et d’ajouter que le pétitionnaire doit obtenir une dérogation si le risque que comporte le projet pour les espèces est suffisamment caractérisé. À cet égard, les juges du Palais-Royal précisent que les mesures ERC sont prises en compte pour déterminer si l’atteinte est suffisamment caractérisée, et qu’il n’est pas nécessaire de solliciter une dérogation si les mesures présentent des garanties d’effectivité permettant de diminuer le risque au point qu’il apparaisse comme n’étant pas suffisamment caractérisé. Ainsi, en n’exigeant pas un risque « négligeable », le Conseil d’État se montre, dans l’ensemble, moins sévère que le Rapporteur public, même s’il subsiste une interrogation sur la notion d’atteinte suffisamment caractérisée. Deuxièmement, le Conseil d’État se prononce sur la délivrance de la dérogation, au point 6 de l’avis, en considérant que l’Administration doit prendre en compte les mesures ERC ainsi que l’état de conservation des espèces lors de l’examen des conditions de délivrance de la dérogation.

L’avis présenté apporte donc quelques éclairages pour les porteurs de projet, en s’en remettant néanmoins à la sagesse des juges du fond sur l’appréciation de l’atteinte suffisamment caractérisée.

1.2.2. Du régime de l’autorisation environnementale

Ce sont plusieurs aspects du régime de l’autorisation environnementale qui ont fait l’objet de modifications par les versions successives du PJL.

Tout d’abord, concernant la participation du public, l’article 2 du PJL proposait initialement d’exempter d’enquête publique les projets relevant d’une déclaration préalable ou d’un permis de démolir, lorsqu’ils étaient soumis à une évaluation environnementale après examen au cas par cas.

Pour rappel, l’évaluation environnementale est définie à l’article L. 122-4 du Code de l’environnement comme « un processus constitué de l’élaboration d’un rapport sur les incidences environnementales, la réalisation de consultations, la prise en compte de ce rapport et de ces consultations lors de la prise de décision par l’autorité qui adopte ou approuve le plan ou programme, ainsi que la publication d’informations sur la décision ». La modification initiée par le PJL entendait ainsi aligner le régime des projets soumis à déclaration préalable ou permis de démolir avec celui des projets relevant d’un permis de construire ou d’aménager. Cette proposition a toutefois été supprimée du texte par un amendement n° 1489, les députés soulignant l’importance des enquêtes publiques.

Notons par ailleurs que le régime de l’évaluation environnementale a fait l’objet d’évolutions diverses durant l’année 2022, notamment par un décret du 25 mars 2022 analysé dans notre Gazette n° 49 parue en juin.

Ensuite, le PJL prévoyait d’instaurer une durée maximale d’instruction des demandes d’autorisations environnementales déposées dans un délai de quarante-huit mois à compter de la date de publication de la loi. Le délai d’instruction maximal était fixé à trois mois à compter de la date d’accusé réception du dossier, durée qui aurait pu être portée à quatre mois sur décision motivée de l’autorité compétente. Cette disposition, bien que guidée par la volonté d’accélérer les délais d’instruction en préfecture, a été supprimée, ce qui apparaît regrettable au regard de la finalité de la mesure.

Toutefois, on peut se réjouir de ce que la proposition permettant le rejet d’une demande d’autorisation environnementale au cours de la phase d’examen, et non plus à l’issue de celle-ci comme cela était le cas jusqu’à présent, a été conservée par les députés. Il peut être souligné qu’une telle proposition apparaît logique, dans la mesure où une demande vouée à l’échec engorge les services instructeurs, qui se doivent d’attendre la fin de la phase d’examen pour la rejeter.

Une autre nouveauté du PJL est la nomination d’un référent préfectoral à l’instruction des projets d’énergie renouvelable. L’article 1er bis du PJL prévoit ainsi que le référent préfectoral serait chargé de « faciliter les démarches administratives des porteurs de projets en attirant leur attention sur les recommandations préconisées par les pouvoirs publics, de coordonner les travaux des services chargés de l’instruction des autorisations et de faire un bilan annuel de l’instruction des projets sur son territoire ». Ce référent, dont les missions seront précisées par voie réglementaire, serait également chargé de fournir un appui aux collectivités territoriales dans leurs démarches de planification de la transition énergétique.

Enfin, le PJL comportait quelques dispositions de simplification du contentieux environnemental, ce dernier tendant à se multiplier s’agissant notamment des autorisations environnementales relatives à la création d’éoliennes. La version adoptée par le Sénat proposait de modifier l’article L. 181-18 du Code de l’environnement, afin de rendre obligatoire la régularisation d’une autorisation environnementale faisant l’objet d’un recours en annulation. Il était également proposé que le refus, par le juge, de faire droit à une demande d’annulation partielle ou de sursis à statuer devait être motivé. En outre, cette version du texte ajoutait un article L. 181-18-1 dans le Code de l’environnement, prévoyant la possibilité, pour le titulaire de l’autorisation, de présenter un mémoire distinct demandant l’allocation de dommages et intérêts en cas de préjudice résultant d’un comportement abusif du requérant. Une disposition précisant que le Conseil d’État juge l’affaire au fond lorsqu’il prononce l’annulation d’une décision d’un juge administratif statuant en dernier ressort avait été ajoutée.

Malgré la recherche d’un équilibre entre le droit au recours et le développement de projets d’énergie renouvelable, l’ensemble de ces dispositions a été supprimé du texte en commission par un amendement n° CE1247.

Pour les députés à l’origine de cette suppression, les dispositions précitées dépassaient le champ des énergies renouvelables en s’étendant à toutes les autorisations environnementales. Ils rappelaient également que le décret du 29 octobre 2022, étudié en seconde partie de cet article, a modifié le régime contentieux de ces autorisations pour les énergies renouvelables. Or, et comme rappelé lors de notre « Jeudi de l’IDPA » à la suite d’une question en ce sens et dans le présent article, ce décret ne concerne pas le contentieux éolien, alors qu’en pratique nombre d’autorisations environnementales attaquées devant le juge administratif concernent des projets éoliens. On aurait pu espérer, à tout le moins, l’ajout d’une précision dans le PJL plutôt qu’une suppression intégrale des dispositions précédemment exposées.

Retenons donc qu’un bon nombre de propositions environnementales en faveur de l’accélération des projets d’énergie renouvelable a été retiré du texte dans le cadre des débats à l’Assemblée nationale, freinant ainsi ladite volonté d’accélération.

1.3. Sur les contrats d’achat d’électricité

Dans la continuité de notre échange avec Maître Patrick Labayle-Pabet retranscrit dans la Gazette n° 50 sur le sujet, il est intéressant de relever que le PJL comporte plusieurs dispositions relatives aux contrats d’achat d’électricité, communément appelés power purchase agreement (PPA).

Pour rappel, les PPA sont des contrats de vente directe d’énergie conclus entre un producteur et un consommateur. Si de tels contrats étaient déjà conclus, en pratique, par les collectivités, certaines règles de la commande publique pouvaient constituer une contrainte, voire un frein à la mise en œuvre de ces contrats.

La Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) et France urbaine, entre autres, plébiscitaient ainsi un encadrement particulier de ces contrats au bénéfice des collectivités contractantes. Le PJL prévoit en ce sens un certain nombre de dispositions. Sans être exhaustifs, nous nous limiterons à certains aspects concernant particulièrement les collectivités.

L’article 17 du PJL prévoit ainsi l’introduction des nouveaux articles L. 331-5 et L. 441-6 dans le Code de l’énergie, permettant aux pouvoirs adjudicateurs et aux entités adjudicatrices de recourir à des PPA pour répondre à leur besoin en électricité et en gaz renouvelables, dont le biogaz, et en gaz bas-carbone, dans les conditions prévues par le Code de la commande publique (CCP). Les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices pourront donc être parties à un PPA, dans le respect des règles de la commande publique, et plus particulièrement celles relatives à la durée figurant à l’article L. 2112-5 du CCP. Pour mémoire, cet article dispose que la durée du marché est définie en tenant compte de la nature des prestations et de la nécessité d’une remise en concurrence périodique, dans les conditions prévues par décret en Conseil d’État, sous réserve des durées maximales prévues par ce Code pour certains marchés. Le PJL ajoute à cet égard, sans que la précision ait vocation à être inscrite à l’article L. 2112-5 précité, que la durée tient également compte de la nature de la prestation et la durée d’amortissement des installations nécessaires à leur exécution, y compris lorsque le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice n’acquiert pas ces installations. Le renvoi à un décret pris en Conseil d’État afin de préciser les modalités d’application de l’article L. 441-6 afférent au gaz a été supprimé par un amendement n° 1594, afin d’assurer une cohérence avec les nouvelles dispositions prises en la matière s’agissant des PPA d’électricité renouvelable. Ce nouvel article L. 331-5 du Code de l’énergie prévoit par ailleurs que les acheteurs pourront également répondre à leur besoin en électricité dans le cadre d’une opération d’autoconsommation individuelle ou collective ; l’article L. 441-6 limitant cette possibilité aux opérations d’autoconsommation collective étendue.

Il est intéressant de mentionner qu’un amendement n° 415 avait été proposé et visait à déroger à l’article L. 2112-2 du CCP, en prévoyant la possibilité que les conditions d’exécution des prestations portent sur l’implantation géographique du titulaire ou de ses sous-traitants. Dans sa rédaction actuelle, cet article du CCP dispose que les clauses du marché précisent les conditions d’exécution des prestations, qui doivent être liées à son objet, et que ces conditions peuvent prendre en compte des considérations relatives à l’économie, à l’innovation, à l’environnement, au domaine social, à l’emploi ou à la lutte contre les discriminations. À cet égard, Maître Patrick Labayle-Pabet nous avait indiqué, dans le numéro précédent, que « les collectivités souhaitent acheter localement l’énergie produite localement, ce qui soulève des questions au regard des grands principes de la commande publique », et que la réglementation devait donc s’interroger sur le cadre juridique de ces PPA conclus par des collectivités. Lors de l’examen en séance de cet amendement, la députée à l’origine de celui-ci a soutenu que les PPA devaient « privilégier les producteurs locaux, non des producteurs se trouvant en dehors du territoire national ». Cependant, l’amendement n° 415 a été rejeté, les députés considérant que la proposition constituerait « une entorse très directe au droit européen », ainsi qu’une « source majeure de contentieux et d’incertitude aussi bien pour les PME que pour les collectivités locales ».

Les PPA s’inscrivant dans une démarche d’approvisionnement local, le rejet de cet amendement peut être regretté ; une réécriture des propositions dans le sens du respect des principes du CCP aurait pu être envisagée.

Malgré le rejet de certaines propositions, les précisions qui précèdent sont bienvenues en ce qu’elles permettent de clarifier les possibilités offertes aux pouvoirs adjudicateurs et entités adjudicatrices s’agissant de l’achat et de la consommation d’énergie.

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Les discussions du PJL en séance publique sont désormais achevées. La procédure accélérée ayant été engagée sur ce texte, la version ici commentée en certains de ses aspects constitue la version définitive du projet qui sera soumise au vote du Parlement le 10 janvier 2023.

Au regard des propositions ici commentées ainsi que des nombreuses autres figurant dans le projet, il est permis de s’interroger sur l’effectivité du texte, à supposer que celui-ci soit adopté. En effet, si ce PJL comporte des dispositions intéressantes de nature à permettre, espérons-le, une certaine accélération dans le développement des projets d’énergie renouvelable, nombre de propositions en ce sens ont été retirées du texte -nous pensons particulièrement aux dispositions contentieuses-.

Dans ce cadre, il ne reste plus qu’à espérer que le vent tourne en faveur de ce texte d’ici le début de l’année 2023.

II. Le décret « contentieux » du 29 octobre 2022

Le contentieux est une source majeure de ralentissement des projets de construction d’installations de production d’énergie renouvelable, quatre-vingts pour cent de ces projets faisant aujourd’hui l’objet de recours. Cette source de ralentissement est d’autant plus importante que l’objet des recours englobe dorénavant tous les actes ou décisions afférents aux projets, et non plus seulement l’autorisation environnementale ou le permis de construire. Il s’est en particulier étendu aux actes se rapportant au terrain d’assiette du projet, tels que la délibération autorisant la cession ou la mise à bail du foncier, voire le bail lui-même.

C’est afin d’agir sur cette cause de ralentissement que le Gouvernement a instauré, à travers le décret n° 2022-1379 du 29 octobre 2022 [20], de nouvelles règles pour accélérer le contentieux de certaines décisions afférentes aux installations de production d’énergie renouvelable et aux ouvrages des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité. Il est d’ores et déjà précisé que ce décret ne concerne pas le contentieux éolien.

Les mesures mises en place, réunies au sein d’un nouvel article R. 311-6 du CJA, sont instituées à titre expérimental, pour une durée de quatre ans, et ne trouvent à s’appliquer qu’aux décisions prises entre le 1er novembre 2022 et le 31 décembre 2026.

Le champ d’application du décret est défini par un système de « double cliquet » qui permet de déterminer quelles décisions sont concernées en prenant en compte, d’une part, la nature de ces décisions (par exemple, les décisions accordant ou refusant une autorisation environnementale, une dérogation « espèces protégées », une déclaration préalable ou un permis de construire) et, d’autre part, le type d’ouvrage auquel se rapportent ces décisions, à savoir leur objet (par exemple, les ouvrages photovoltaïques d’une puissance égale ou supérieure à cinq mégawatts ou les installations hydroélectriques d’une puissance égale ou supérieure à trois mégawatts).

Par dérogation aux dispositions spéciales qui peuvent leur être applicables, le délai de recours ouvert contre ces décisions est fixé à deux mois à compter du point de départ propre à chaque réglementation, et n’est pas prorogé par l’exercice d’un recours administratif. Le délai de recours est

ainsi réduit concernant le recours des tiers contre les décisions d’octroi d’une autorisation environnementale, qui est usuellement de quatre mois aux termes de l’article R. 181-50 du Code de l’environnement.

En outre, le décret instaure des délais de jugement contraints, à peine de dessaisissement de la juridiction chargée du recours. Il est ainsi prévu que le tribunal administratif devra statuer dans le délai de dix mois à compter de l’enregistrement de la requête. Si le juge ne s’est pas prononcé à l’issue de ce délai, ou en cas d’appel, le litige est porté devant la cour administrative d’appel, qui statue également dans un délai de dix mois. Si, à l’issue de ce nouveau délai, elle ne s’est pas prononcée, ou en cas de pourvoi en cassation, le litige est porté devant le Conseil d’État. En résumé, l’idée poursuivie est que l’affaire arrive en vingt mois maximum au Conseil d’État, qui ne se voit, quant à lui, assigner aucun délai.

Le décret précise par ailleurs qu’en cas de régularisation opérée sur le fondement de l’article L. 181-18 du Code de l’environnement ou de l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme, le tribunal administratif ou la cour administrative d’appel est tenu-e de statuer dans un délai de six mois à compter de l’enregistrement du mémoire transmettant la mesure de régularisation. À défaut, le litige est porté, selon le cas, devant la cour administrative d’appel ou le Conseil d’État.

On pourra remarquer que le Gouvernement a donc choisi de délaisser un certain nombre d’outils qui étaient à sa disposition pour accélérer le contentieux : la suppression de l’appel, l’instauration d’un délai de cristallisation des moyens ou d’un délai pour introduire un référé-suspension, l’instauration de sanctions spécifiques aux recours abusifs, ou encore la redéfinition restrictive de l’intérêt à agir des tiers. À noter que le décret ne crée pas non plus de compétence juridictionnelle spéciale, à la différence de ce qui a été prévu pour les contentieux relatifs à l’éolien terrestre et en mer [21].

Si l’objectif poursuivi par le décret, à savoir l’accélération du contentieux, est louable, l’encadrement du délai de jugement pourrait présenter certains inconvénients pour les porteurs de projets, ainsi que l’ont relevé certains spécialistes [22].

En premier lieu, il faut noter que le dessaisissement en cours d’instruction aura pour effet de rendre infructueux le travail réalisé pendant les dix ou vingt mois écoulés, l’instruction devant être reprise à zéro par la nouvelle juridiction saisie du litige.

En second lieu, si l’autorisation contestée est finalement annulée devant le Conseil d’État, après dessaisissement des juridictions précédemment saisies, le bénéficiaire n’aura concrètement disposé que d’un seul degré de juridiction, ce qui ne saurait être satisfaisant et pourrait même se révéler contraire à un certain nombre de principes fondamentaux.

En troisième et dernier lieu, on peut regretter que le décret ne prévoie pas d’interruption du délai de dix mois en cas de tentative de médiation, à contre-courant de la mouvance tendant à la promotion des modes alternatifs de règlement des différends.

Il faudra donc attendre les résultats de cette expérimentation pour apprécier l’efficacité de ces mesures.

***

En conclusion, les mesures introduites dans le droit national en faveur du développement des énergies renouvelables ne répondent pas entièrement à l’objectif qui leur était assigné.

L’objectif initial était en effet d’agir sur les deux principales causes de ralentissement des projets écologiquement vertueux, à savoir la lenteur des procédures administratives, d’abord, et la lenteur contentieuse, ensuite.

Concernant l’accélération de la phase administrative, le projet de loi, initialement prometteur, s’est délesté de ses mesures les plus novatrices au cours des débats parlementaires, au point d’en perdre sa finalité originelle.

La plupart des avancées du texte s’attachent en effet à favoriser la planification des projets d’énergie renouvelable par les collectivités publiques, là où l’on espérait que les mesures s’attachent à réduire le temps nécessaire à l’obtention des autorisations requises par les porteurs de projets.

La réponse adaptée vient sur ce point du règlement européen temporaire d’urgence du 22 décembre dernier, qui réussit à instaurer les mesures phares que le législateur français n’a pas su adopter et en particulier le délai maximum pour l’octroi des autorisations administratives.

La critique des mesures nationales est en revanche plus nuancée s’agissant des règles contentieuses mises en place par le décret du 29 octobre 2022. Sur ce point, le décret présente l’intérêt de proposer des mesures adaptées à la problématique initiale, bien que l’on puisse regretter qu’il exclue le contentieux éolien.

Chloé Mifsud

Paul Mazet