Commentaire de l’arrêt du CE 9 novembre 2018, Sté Cerba et CNAM, n° 420654, A paraître

Extrait de la Gazette n°36 - Janvier 2019

Le Conseil d’Etat se prononce très rarement sur les vices du consentement. Cela ne rend que plus remarquable sa position sur une question classique en droit des obligations. Dans un arrêt récent, la Haute juridiction, transposant les solutions admises depuis longtemps en droit civil, vient de refuser l’annulation d’un contrat administratif au motif qu’une « erreur conduisant à une appréciation inexacte du coût d’un achat par le pouvoir adjudicateur n’est pas, en elle-même, constitutive d’un vice du consentement ».

Les faits, à l’origine de cette décision, ont donné lieu à un contentieux aux multiples rebondissements, en rapport avec l’enjeu majeur que représente la résolution d’un litige relatif à un marché public de plus de 146 millions d’euros.

Le test au gaïac permet de dépister la présence de sang dans les selles et donc la présence éventuelle d’une tumeur colorectale, deuxième cancer le plus meurtrier en France. Pour la mise en œuvre de ce dispositif, un kit de dépistage était remis à la population cible puis analysé par un laboratoire d’analyse qui le transmettait ensuite au médecin. Les kits de dépistage étaient achetés dans le cadre d’un accord-cadre passé par la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) avec la société Beckman Coulter. Suivant les préconisations de la Haute autorité de santé pour l’adoption d’un test immunologique en remplacement du test au gaïac, la CNAM a lancé un appel d’offres relatif à la fourniture de kits de dépistage immunologique ainsi qu’à la gestion de la solution d'analyse des tests immunologiques, depuis la réception des prélèvements jusqu'à la transmission des résultats.

Le 6 octobre 2014, la société GLBM et le GIE Labco gestion se sont vues notifier le rejet de leurs offres respectives pour non-conformité avec les cahiers des clauses techniques et le marché, dont la durée d’exécution est de quatre ans, a été attribué le 19 décembre 2014 à un groupement constitué par la société Cerba et à la société néerlandaise Daklapack Europe BV.

Après avoir formé un référé précontractuel et un référé contractuel tendant à l’annulation de ce marché,  les deux sociétés évincées décident de saisir le Tribunal administratif de Paris d’un recours au fond sur le fondement de la jurisprudence Département du Tarn-et-Garonne. Devant le rejet qui leur a été opposé par le TA de Paris [1], elles choisissent de se pourvoir en appel devant la Cour administrative d’appel de Paris qui décide d’annuler le marché litigieux avec effet différé [2]. La CNAM, pouvoir adjudicateur, et la société Cerba, titulaire du marché décident de se pourvoir en cassation devant le Conseil d’Etat.

Réglant l’affaire au fond, la Haute juridiction, dans un arrêt rendu sur les conclusions conformes du Rapporteur public Gilles Pellissier [3], décide d’annuler les dispositions incriminées de l’arrêt d’appel.

Dans la lignée de la jurisprudence Tarn-et-Garonne, l’arrêt commenté apporte un éclairage nouveau sur la distinction des deux catégories de vices pouvant être invoqués à l’appui d’un recours en contestation de validité d’un contrat de la commande publique: ceux qui sont liés aux intérêts des candidats qui ont vu leurs offres rejetées d’une part, et ceux qui sont invocables en tout état de cause, car d’une particulière gravité, d’autre part.

 Son intérêt principal réside dans la détermination de la nature des irrégularités pouvant être utilement invoquées par des tiers pour demander l’annulation d’un contrat ayant reçu un début d’exécution (I). Il éclaire, d’un autre côté, l’exigence posée à l’égard des candidats évincés de n’invoquer que des manquements « en rapport direct avec leur éviction » (II).

 

I- La nature des irrégularités pouvant être invoquées par des tiers pour demander l’annulation d’un contrat ayant reçu un début d’exécution

 Le CE rappelle que, depuis l’arrêt Département du Tarn-et Garonne, deux catégories exclusives d’irrégularités peuvent seules conduire à l’annulation du contrat : la première relative au caractère illicite de son contenu, la seconde au « vice de consentement ou de tout autre vice d’une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d'office» [4]. C’est au niveau de la précision de la nature des vices d’une particulière gravité que se situe l’apport principal du présent arrêt.

1. Pour annuler le contrat, la CAA s’était basée sur l’existence d’un vice du consentement consistant dans l’omission de la prise en compte de la TVA dans le prix proposé au pouvoir adjudicateur par la société néerlandaise, membre du groupement attributaire. La CNAM aurait donc été méprise sur le coût total du marché en omettant de prendre en compte la TVA dont elle devait elle-même s’acquitter avant d’accepter l’offre des sociétés attributaires.

Pour juger que la CNAM avait été victime d'une erreur ayant vicié son consentement, la juridiction d’appel avait relevé que celle-ci était au maximum de ses crédits budgétaires et qu’elle n’a pu de ce fait procéder « à aucune comparaison de prix, les autres offres ayant été déclarées irrecevables » [5]. Mais le CE n’a pas suivi ce raisonnement. Il a considéré au contraire qu’à supposer même que la CNAM se soit, « du fait de cette ambiguïté, méprise sur le coût total de l'offre pour elle et ait estimé à tort qu'il ne dépassait pas le montant des crédits budgétaires alloués au marché », cette erreur « conduisant à une appréciation inexacte du coût d'un achat par le pouvoir adjudicateur n'est pas, en elle-même, constitutive d'un vice du consentement ».

Le vice du consentement suppose en effet une erreur sur la substance et selon une jurisprudence constante, il est de principe que les erreurs de calcul doivent être supportées par celui qui les a commises, comme un risque des affaires [6]. Ainsi, l'erreur sur le prix n'est jamais sanctionnée, qu'elle soit le fait de l'administration ou du cocontractant privé [7].

Or, en l’espèce, les tiers qui ont le statut de candidats évincés, invoquaient la théorie des vices du consentement et plus précisément l’erreur, non pas contre leur propre volonté mais contre celle du pouvoir adjudicateur qu’ils estiment avoir été victime de cette erreur. Cela conduit à une situation ubuesque où des candidats à l’attribution d’un marché ayant vu leurs offres rejetées tentent d’instrumentaliser la théorie des vices du consentement contre la volonté de la personne censée exprimer son consentement. En droit privé, il est pourtant établi que le vice du consentement ne peut être invoqué que par la partie qui en été victime pour faire annuler un contrat auquel elle a souscrit [8].

Ces considérations n’ont pas été étrangères à la position du CE refusant de reconnaître à l’erreur commise par la CNAM, lors du calcul de l’offre retenue, la qualité de vice de consentement pouvant justifier la demande d’annulation du marché.

2. Mais le CE va aller plus loin dans la précision de la nature des irrégularités pouvant être invoquées en tout état de cause pour obtenir l’annulation d’un contrat. Il précise s’agissant de l’illicéité du contenu du contrat, que « le contenu d'un contrat ne présente un caractère illicite que si l'objet même du contrat, tel qu'il a été formulé par la personne publique contractante pour lancer la procédure de passation du contrat ou tel qu'il résulte des stipulations convenues entre les parties qui doivent être regardées comme le définissant, est, en lui-même, contraire à la loi, de sorte qu'en s'engageant pour un tel objet, le cocontractant de la personne publique la méconnaît nécessairement ».

En l’espèce, le Conseil d’État précise que ne saurait caractériser un contenu illicite, le fait que les prix soient fixés hors taxes alors que l’acheteur doit être assujetti à la TVA dans la mesure où, ainsi que le souligne le Rapporteur public, ne pas mentionner une taxe qui sera due de toute façon ne rend pas pour autant l’objet du contrat illicite. Le dépassement les crédits budgétaires alloués au marché n’affecte pas davantage la licéité de l’offre. Par ailleurs, la méconnaissance d’un simple arrêté relatif au contrôle des tests immunologiques ne suffit pas à caractériser l’illicéité du contrat, c’est-à-dire la méconnaissance de la loi elle-même. Le CE se contente d’écarter ce dernier moyen comme infondé, dans la mesure où « la réglementation dont se prévalent les requérants n'était pas applicable au marché en litige et n'impose d'ailleurs pas un nombre minimum de centres de lecture des tests ».

3. L’intérêt de la décision rapportée réside aussi à un autre niveau, celui des pouvoirs mis en œuvre par le juge de cassation pour contrôler l’appréciation faite par les juges du fond des conséquences de l’annulation du contrat sur l’intérêt général.

Les auteurs du pourvoi faisaient valoir à ce sujet que la décision attaquée est entachée d’une erreur dans la qualification juridique des faits. Dans sa réponse au pourvoi, le CE va d’abord prendre le soin de rappeler les limites de l’office du juge du contrat tracées par sa jurisprudence antérieure en précisant que celui-ci doit avant tout rechercher à préserver le lien contractuel en ordonnant au besoin la régularisation des irrégularités ayant pu toucher la conclusion du contrat lorsque ces irrégularités ne peuvent être regardées comme étant « d’une particulière gravité » ; qu’il est loisible toutefois, et à titre exceptionnel, lorsqu’il apparaît que les avantages de l’annulation du contrat dépassent les avantages de son maintien, de « prononcer, le cas échéant avec un effet différé, soit la résiliation du contrat, soit, l’annulation totale ou partielle de celui-ci ». Mais il n’est en droit de le faire qu’à la condition de vérifier préalablement que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l’intérêt général » [9].

Le juge du contrat est appelé ainsi à se livrer à un contrôle concret et objectif de l’atteinte. Seuls les éléments précis et circonstanciés afférents au contrat doivent être pris en compte pour apprécier l’atteinte à l’intérêt général portée par l’annulation. Il a par exemple été jugé que l’annulation de marchés publics de fourniture de panneaux de signalisations ne porte pas une atteinte excessive à l’intérêt général alors même qu'ils ont été exécutés depuis de nombreuses années, que leur règlement est devenu définitif et qu'une restitution physique des panneaux serait impossible dès lors que l’annulation n'impliquait pas nécessairement la restitution des panneaux installés et qu’elle n'affecterait pas l'information et la sécurité routière [10]. A l’inverse, le CE a estimé que le coût financier que va avoir la mesure de résiliation/annulation est aussi un élément à prendre en compte [11]. Ainsi, si l’annulation du contrat impliquerait de verser une indemnisation importante à l’attributaire du marché mettant ainsi en péril les deniers publics, le juge aurait tendance à considérer que l’atteinte à l’intérêt général serait caractérisée.

C’est ce genre d’appréciation qui va précisément conduire le CE à retenir l’erreur dans la qualification juridique des faits commise par la cour d’appel. Il va estimer en effet que l’atteinte à l’intérêt général est caractérisée dans la mesure où, compte tenu des délais nécessaires à la passation d'un nouveau marché, aucun nouveau contrat ne pourra être conclu dans les temps, l’annulation prenant effet cinq mois avant l'arrivée à terme de ce marché. En outre, une telle sanction est susceptible d'entraîner une interruption dans le service de sensibilisation et de dépistage d’un cancer aussi meurtrier que le cancer colorectal. Enfin, pour celles des personnes qui ont réalisé un test et dont le résultat est positif, la suite de la procédure d'accompagnement prévue par le dispositif de dépistage, qui consiste à les orienter vers un spécialiste en vue de subir des examens plus poussés, ne pourra plus être réalisée. Ainsi, contrairement aux affirmations de la juridiction d’appel et compte tenu de l’enjeu majeur de santé publique que représente le contrat et des conséquences de l’interruption du programme de dépistage sur les effets recherchés par son exécution, une telle annulation aurait bel et bien eu pour effet de porter une atteinte excessive à l’intérêt général.

Le contraste est ici frappant entre l’appréciation faite par les magistrats d’appel et les conseillers de cassation relativement à une question, qui ne devrait pas a priori susciter des divergences aussi profondes compte tenu de l’enjeu majeur de santé publique que représente le contrat litigieux.

 

II- L’exigence pour les candidats évincés de n’invoquer que des manquements « en rapport direct avec leur éviction » 

1. En décidant de régler l’affaire au fond sur la base de l’article L 821.2 du CJA, comme l’y invitait le Rapporteur public, le CE devait d’abord résoudre une question préalable, celle de la recevabilité du recours des candidats évincés opposée par l’entreprise attributaire et tiré du fait que leur référé précontractuel ayant été rejeté, ces derniers ne sont plus admis à saisir le juge du contrat pour contester sa validité.

Le CE a choisi de rejeter un tel argument, confirmant sa jurisprudence élargissant l’ouverture du prétoire à toutes les personnes intéressées par la conclusion d’un contrat de commande publique, en considérant que « contrairement à ce qui est soutenu, la circonstance qu'un concurrent évincé ait d'abord formé un référé précontractuel afin d'obtenir l'annulation de la procédure de passation ne fait pas obstacle à ce qu'il saisisse ensuite le juge administratif d'un recours en contestation de la validité du contrat ; que la circonstance que son offre ait été rejetée comme irrégulière n'est pas non plus de nature à le priver de la possibilité de faire un tel recours ». 

Un tel recours est donc ouvert indépendamment des autres procédures auxquelles peuvent recourir les mêmes requérants pour contester les contrats litigieux, et notamment des recours en référé précontractuel et contractuel. La circonstance que les candidats évincés aient exercé en l’espèce et sans succès de tels recours est donc sans incidence sur la recevabilité de leur recours en contestation de validité devant le juge du contrat. Une telle solution est conforme au droit d’accès à la justice qui constitue un principe fondamental de l’Etat de droit.

Mais c’est sur l’opérance des moyens invoqués par les candidats évincés à l’appui de leur recours que va conclure le CE.

 

2. Dès lors qu’ils ont été admis à contester la validité de la décision d’attribution du marché, les défendeurs au pourvoi prétendaient qu’ils sont en droit d’invoquer, nonobstant le rejet de leurs offres, les irrégularités ayant entaché l’offre du groupement d’entreprises attributaire du marché, car, l’objet de leur recours est précisément d’obtenir l’annulation du contrat afin qu’ils puissent présenter une nouvelle offre régulière et obtenir ainsi une nouvelle chance de se voir attribuer le marché. Ils se sont fondés à cette fin sur le droit au recours effectif consacré par des décisions de principe rendues en la matière par la Cour de justice de l’Union Européenne qui a explicité la notion de recours effectif en matière de contentieux des marchés publics en estimant notamment que « si, dans le cadre d’une procédure de recours, l’adjudicataire, ayant obtenu le marché et ayant introduit un recours incident, soulève une exception d’irrecevabilité fondée sur le défaut de qualité pour agir du soumissionnaire auteur de ce recours au motif que l’offre que ce dernier avait présentée aurait dû être écartée par le pouvoir adjudicateur en raison de sa non-conformité par rapport aux spécifications techniques définies dans le cahier des charges, cette disposition s’oppose à ce que ledit recours soit déclaré irrecevable par suite de l’examen préalable de cette exception d’irrecevabilité sans se prononcer sur la conformité avec lesdites spécifications techniques tant de l’offre de l’adjudicataire, ayant obtenu le marché, que de celle du soumissionnaire ayant introduit le recours principal » [12].

L’intérêt lésé reconnu par la CJUE consiste dans le fait que le candidat, bien qu’ayant été évincé pour l’irrégularité de son offre, peut toujours prétendre à l’attribution du contrat s’il arrive à établir l’irrégularité de l’offre adverse.

Le CE, qui devait se prononcer sur le bienfondé d’un tel argument, va cependant considérer qu’ « un candidat dont l’offre a été à bon droit écartée comme irrégulière ou inacceptable ne saurait en revanche soulever un moyen critiquant les autres offres ; qu’il ne saurait notamment soutenir que ces offres auraient dû être écartées comme irrégulières ou inacceptables, un tel moyen n’étant pas en rapport direct avec son éviction ». 

Ce faisant, la Haute juridiction apporte d’utiles précisions sur le caractère opérant des moyens pouvant être soulevés à l’appui d’un tel recours. L’on sait en effet, en vertu d’une jurisprudence traditionnelle, que ce caractère dépend d’abord et de façon objective du stade de la procédure auquel le manquement intervient. Plus la procédure avance, moins le candidat évincé est en droit de la contester. S’il a été admis à présenter une offre, il ne pourra pas invoquer un manquement ayant affecté la phase de sélection des candidatures [13]. Inversement, si sa candidature n’est pas recevable, il ne peut invoquer une irrégularité afférente à la phase de sélection si son offre a été jugée irrecevable [14]. Plus généralement, et conformément à la jurisprudence Smirgeomes rendue en matière de référé précontractuel [15], un concurrent évincé « ne peut invoquer que des manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auxquels ils se rapportent, sont susceptibles de l’avoir lésé ou risquent de le léser », outre les vices d'ordre public dont serait entaché le contrat, que des manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat en rapport direct avec son éviction. A l’égard des tiers « candidats évincés », la condition d’intérêt à agir se trouve « dédoublée en ce que l’intérêt ne conditionne pas seulement la recevabilité de l’action, c’est-à-dire des conclusions qui fixent ce que le requérant demande au juge, mais aussi la recevabilité des moyens soulevés à l’appui de la demande » [16].

En l’état actuel de la jurisprudence, les moyens ayant trait à l’irrégularité de l’offre de l’attributaire sont considérés comme inopérants. Ainsi un candidat qui ne pouvait se voir attribuer le contrat parce que sa candidature « devait elle-même être écartée ou que l'offre qu'il présentait ne pouvait qu’être éliminée comme inappropriée, irrégulière ou inacceptable » ne peut jamais être regardé comme lésé par le choix de l'offre d'un candidat irrégulièrement retenu, puisque l'irrégularité de l’offre de l’attributaire n'est pas à l’origine de l’éviction du candidat évincé [17].

Les candidats évincés critiquaient l'application qui a été faite de la jurisprudence Syndicat Ody 1218 Newline du Lloyd’s de Londres dans le cas très particulier de l’espèce dans la mesure où l’offre des candidats évincés a été écartée comme étant irrégulière et la seule offre existante, celle de la société attributaire, a été jugée régulière alors que les candidats évincés estimaient qu’elle ne l’était pas. Selon eux, le TA de Paris les a ainsi privé de leur droit à un recours effectif dans la mesure où si le juge du contrat avait déclaré l’offre de l’attributaire irrégulière, il aurait dû obliger l’acheteur à réexaminer l’ensemble des offres. Ils auraient pu ainsi présenter une nouvelle offre régulière et obtenir une chance de se voir attribuer le marché. Car, dans ce cas très précis, la CJUE a déjà consacré la possibilité d’invoquer le moyen tiré de l’irrégularité de l’offre de l’attributaire alors même que celle-ci n’est pas à l’origine de l’éviction du candidat évincé.

Ce n’est pas la solution qui a été adoptée par le CE qui a confirmé la restriction des moyens susceptibles d'être soulevés par les candidats évincés même dans le cas où « comme en l’espèce où toutes les offres ont été écartées comme irrégulières ou inacceptables, sauf celle de l’attributaire, et qu’il est soutenu que celle-ci aurait dû être écartée comme irrégulière et inacceptable ».

Les motifs qui sont derrière cette solution restrictive sont clairs. Ils visent avant tout à préserver la stabilité des situations juridiques nées des contrats ayant reçu un début d’exécution tout en prévenant l’encombrement de la juridiction administrative qu’une attitude trop permissive sur l’appréciation de l’intérêt lésé et les moyens opérants pourrait favoriser. 

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Alia JENAYAH

[1]TA Paris, 30 Septembre 2016, GLBM et autres, n° 1503085/3-2.

[2] CAA Paris 24 avril 2018 GLBM et a., n° 16PA03554 et 16PA03573.

[3] Conclusions du Rapporteur public Gilles Pellissier sous la décision commentée (publiées sur Arianeweb).

[4] CE, 4 Avril 2014, Département du Tarn-et-Garonne, n° 358994.

[5] Considérants 6 et 7 de la décision de la CAA.

[6] CE, 1er février 1980, l'office public communal d'habitations à loyer modéré de la ville de Brest, n° 01505.

[7] CE, 21 mai 1948, Société coopérative ouvrière de production “Entreprise générale ouvrière rhodanienne”.

[8] Conclusions du Rapporteur public précitées. 

[9] Ass, 28 décembre 2009, Commune de Béziers, n° 304802 ; Ass., 4 avril 2014, n° 358994, Département de Tarn-et- Garonne.

[10] CAA Douai, 22 février 2018, Société Signalisation France, n°17DA00507-17DA00509-17DA00511.

[11] CE 5 juin 2017, Commune de La Teste de Buch, n° 401940 : « le choix erroné de la commune de recourir à la procédure du dialogue compétitif plutôt qu'à la procédure de l'appel d'offres ou à une procédure négociée aurait eu pour la collectivité des conséquences défavorables, sur le plan financier ou sur les conditions dans lesquelles il a été répondu aux besoins du service public ; que la commune de La Teste-de-Buch a, en revanche, fait valoir qu'en cas de résiliation, elle devrait verser à son cocontractant une indemnité, qu'elle évaluait à la somme de 29 millions d'euros en soulignant que le paiement de cette somme affecterait très sensiblement sa situation financière ; que, dans ces conditions, et eu égard à la nature de l'illégalité commise, en jugeant que la résiliation du contrat, même avec effet différé, ne portait pas une atteinte excessive à l'intérêt général, la cour administrative d'appel de Bordeaux a entaché son arrêt d'erreur de qualification juridique ».

[12] CJUE, 4 juillet 2013, Fastweb, n° C-100/12, § 33 ; 5 avril 2016 n° C-689/13.

[13] CE 5 nov. 2008, Commune de Saint-Nazaire, n° 310484.

[14] CE 12 mars 2012, Société Clear Channel, n° 353826.

[15] CE Section 3 octobre 2008, Smirgeomes, n° 305420.

[16] Sur la restriction des moyens invocables par les candidats évincés dans le cadre du recours en contestation de validité : Cf. observations du professeur Paul Cassia in « Les grands arrêts du contentieux administratif » (GACA) (Dir.) Bonichot, Cassia, Poujade, Dalloz, 2011, n° 9, p. 213 et s : « La décision Département de Tarn-et-Garonne constitue un coup d’arrêt sans précédent, devant le juge du fond, à la contestation par les tiers des contrats administratifs dans la logique de ce que la décision Smirgeomes du 3 octobre 2008 avait amorcé pour la mise en cause, en référé précontractuel, de la procédure de passation de certains contrats publics ».

[17] CE, 11 avril 2012, Syndicat Ody 1218 Newline du Lloyd’s de Londres et a., n° 354652.