1988-2018 - 30 années de jurisprudences commentées par l'actuelle promotion

Extrait de la Gazette n°35 - Décembre 2018 - Spéciale 30 ans


Année 1988

Conseil d’Etat, Section, 23 décembre 1988, Banque de France c/ Huberschwiller, n°95310 (par Albertine AQUENIN)

« C’est par l’organisation de la contradiction que l’on peut remédier à l’inégalité naturelle des parties » (R. Chapus, Droit du contentieux administratif, Montchrestien, 13e édition, 2008, p. 238). Erigé en garantie essentielle des justiciables, le principe du contradictoire connaît, en contentieux administratif, peu de limites.  La décision « Banque de France » y déroge pourtant en affirmant que ce principe ne peut s’appliquer lorsque le refus de communication est l’objet du litige. Le principe du contradictoire aurait alors pour effet de priver d’objet le litige. Cette jurisprudence a été, ensuite, confirmée, puis étendue, par exemple, au cas où la communication aux parties réduirait à néant le secret (CE, 10/9 SSR, 31 juillet 2009, AIDES et autres, n° 320196, Publié au Recueil).

Néanmoins, les intérêts du justiciable sont protégées par le juge auquel l’administration doit transmettre les documents qu’elle refuse de communiquer, sauf si ces derniers sont protégés par le secret garanti par la loi. Il revient ainsi au juge administratif, seul, de remédier au déséquilibre du procès.

 

Année 1989

Conseil d’Etat, 20 octobre 1989, Nicolo, req. n°108243 (par Arthur BAILLET)

Dans cette décision, le Conseil d’Etat accepte pour la première fois de contrôler « in abstracto » la compatibilité d’une loi par rapport à un traité, sous l’influence des jurisprudences de la Cour de cassation et du Conseil constitutionnel.

Le Conseil d’Etat a depuis étendu ce contrôle en consacrant le contrôle de conventionnalité des lois « in concreto », donnant au juge la possibilité de faire prévaloir la CEDH sur la mise en œuvre d’une loi par l’administration, y compris en référé (Conseil d’Etat, Assemblée, 31 mai 2016, Gonzales Gomes, n°396848). 

 

Année 1990

Conseil d’Etat, 20 juillet 1990, Ville de Melun et Association Melun-Culture-Loisirs, n°69867 72160 (par Laurent BOUQUET)

L’arrêt « Ville de Melun et Association Melun- Culture-Loisirs » rendu par le Conseil d’Etat le 20 juillet 1990 vient consacrer la méthode dite du faisceau comme technique d’identification d’un service public, notamment en cas de silence de la loi. En l’espèce, a pu être reconnue comme relevant du service public, une activité gérée par une personne privée dénuée de prérogatives de puissance publique au regard du contrôle accru exercé par l’administration sur cette entité.

Cette nouvelle appréciation du critère organique se substituant à la détention de prérogatives de puissance publique sera confirmée par la suite, dans un arrêt UGC-Ciné-Cité du 5 octobre 2007 en matière de marché public, où le juge administratif fera évo- luer son office en allant sur le terrain de l’intention de l’administration et non plus seulement sur celui du contrôle exercé.


Année 1991

Cour de justice des communautés européennes, 19 novembre 1991, C-6/90 et C-9/90, Francovich (par Emilie BOURDIN)

Par cet arrêt, la Cour de justice des communautés européenne pose le principe de la responsabilité de l’Etat vis-à-vis des particuliers pour les dommages découlant du défaut de transposition d’une directive. La directive non transposée doit pour cela comporter l’attribution de droits au profit des particuliers.

Par la suite, la Cour de justice a étendu cette jurisprudence notamment au cas de la violation du droit de l’Union imputable au législateur national (CJCE, 5 mars 1996, Brasserie du Pécheur, C-46/93 et C-48/93). Le Conseil d’Etat a, quant à lui, fait évoluer sa jurisprudence et complété le régime juridique de la responsabilité de l’Etat. Il a ainsi admis la responsabilité du législateur en cas de méconnaissance d’un engagement international (CE, ass, 8 février 2007, Gardedieu, n°279522).  


Année 1992

Conseil d'Etat, Assemblée, 28 février 1992, S.A. Rothmans international France & Philip Morris France, req. n°56776 et 56777 (par Martin CHARRON)

Par cette décision, le Conseil d’Etat reconnaît la possibilité, une fois passé le délai de transposition, d’écarter l’application d’une disposition législative incompatible avec les objectifs d’une directive européenne. Il fait ainsi prévaloir sur les lois, les directives, en leur reconnaissant le bénéfice de l’article 55 de la Constitution.

L’invocabilité totale des directives européennes connaîtra son aboutissement grâce à une décision d’Assemblée du 30 octobre 2009 (Mme Perreux, n° 298348) par laquelle le Conseil d’Etat reconnaît aux particuliers la possibilité de se prévaloir des dispositions précises et inconditionnelles d’une directive, à l’appui d’un recours dirigé contre un acte administratif, lorsque l’État n’a pas pris, dans les délais impartis, les mesures de transposition nécessaires. 

 

Année 1993

Conseil constitutionnel, 20 janvier 1993, n°92-316 DC, loi relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, dite loi “Sapin I” (par Camille CONNIL)

Le Conseil constitutionnel apporte sa contribution au droit de la commande publique en admettant notamment une limitation de la durée des contrats de délégation de service public (DSP) à la durée normale d’amortissement des installations mises en service dont le délégataire a la charge. Il écarte ainsi les moyens soulevés par les députés et sénateurs tenant à la libre administration des collectivités territoriales et à la liberté d’entreprendre au profit des objectifs de transparence et de concurrence que s’était assignés le législateur.

Aujourd’hui, l’article 34 de l’ordonnance n°2016-65 du 29 janvier relative aux contrats de concession a repris cet encadrement de la durée des DSP en l’étendant à l’ensemble des contrats de concession. Cependant, cette ordonnance a procédé à un changement radical en incluant la problématique de la prolongation de la durée des contrats de concession dans le droit commun de leur modification.

  

Année 1994

Cour de justice des communautés européennes, 27 avril 1994, Commune d’Almelo, aff. C-393/92 (par Léa COUTURIER)

Un an après l’arrêt Corbeau, la CJCE confirme que les États peuvent poser des restrictions à la concurrence tant qu’elles sont nécessaires à l’accomplissement d'une mission d'intérêt général. La Cour précise ainsi, à propos des droits exclusifs octroyés au fournisseur d’énergie électrique aux Pays-Bas, qu’il faut « tenir compte des conditions économiques dans lesquelles est placée l’entreprise, notamment des coûts qu’elle doit supporter et des réglementations, particulièrement en matière d’environnement, auxquelles elle est soumise ».

Elle a, par la suite, avec la célèbre décision Altmark du 24 juillet 2003, fixé les conditions dans lesquelles une compensation liée à des services d’intérêt économique général ne constitue pas une aide d’Etat. La Commission est venue préciser ultérieurement ces exceptions accordées avec les paquets Monti-Kroes et Almunia.

  

Année 1995

Conseil d’Etat, 27 octobre 1995, Commune de Morsang-sur-Orge, req. n°136727 (par Elise DANZÉ)

Par sa décision du 27 octobre 1995 “Commune de Morsang-sur-Orge”, le Conseil d’État a pour la première fois explicitement reconnu que le respect de la dignité de la personne humaine est une des composantes de l’ordre public.  

La jurisprudence ultérieure a confirmé ce principe concernant des propos, lors d’un spectacle, tenus en méconnaissance de la dignité humaine (CE, ordonnance, 9 janvier 2014, Ministre de l’intérieur contre la Sté les productions de la plume et Dieudonné, M’Bala M’Bala,  req n°374508). Les juges sont allés plus loin en l’appliquant à la personne décédée, considérant que pour l’implantation d’un centre de traitement de déchets sur un site où se sont tenus de nombreux combats pendant la première guerre mondiale, des mesures doivent être prescrites pour assurer le respect de la dignité humaine dès lors que des restes humains seraient exhumés (CE, 26 novembre 2008, Syndicat mixte de la vallée de l’Oise, req n°301151).

 

Année 1996

Conseil d’Etat, Assemblée, 10 juillet 1996, M. Cayzeele, req. n°138536 (par Adrien de PRÉMOREL)

Un tiers au contrat est recevable à demander, par la voie du recours pour excès de pouvoir, l'annulation des dispositions réglementaires contenues dans un contrat administratif car elles sont divisibles des autres stipulations du contrat.

Évolution : la jurisprudence est toujours en vigueur, y compris depuis la jurisprudence Tarn-et-Garonne (CE Ass. 4 avril 2014, n°358994). Le CE a précisé que les clauses relatives au régime financiers ou à la réalisation des ouvrages (caractéristiques, tracé…) ont un caractère purement contractuel (CE 9 février 2018, Val d’Europe agglomération, n°404982).

 

Année 1997

Conseil d’Etat, Section, 3 novembre 1997, Million et Marais, req. n°169907 (par Gabriel DECAUDAVEINE)

Les règles du droit de la concurrence (Ord. 1er décembre 1986, codifiées C. com. art. L. 420-1 et s.) sont applicables au contrôle de la légalité des actes administratifs.

Le juge administratif a appliqué avec orthodoxie le droit de la concurrence tant aux actes unilatéraux (CE, 29 juillet 2002, Sté Cegedim, n° 200886) que multilatéraux (CE, 2 juillet 1999, SA Bouygues, n° 206749)

 

Année 1998

Conseil d’Etat, Assemblée, 30 oct. 1998, M. Sarran, M. Levacher et autres, req. n° 200286 et 200287 (par Manon ERILL-SELVES)

Le Conseil d’Etat réaffirme la place de la Constitution dans l’ordre interne en considérant que les engagements internationaux n'ont pas d'autorité supérieure à celle des dispositions constitutionnelles.

Cette prise de position était nécessaire même si, aujourd’hui encore, la place de la Constitution demeure incertaine du fait de l'importance du droit de l’Union Européenne. La recherche d’une conciliation entre les exigences posées par l’ordre juridique interne et celles issues de l’ordre juridique de l’Union Européenne est parfaitement illustré par une jurisprudence postérieure, CE, 2007, Société Arcelor Atlantique.

 

Année 1999

Conseil d’Etat, 30 juin 1999, SMITOM, req. n°198147 (par Quentin FERRER)

L’arrêt « SMITOM » vient réaffirmer l’importance du critère de la rémunération dans la distinction entre marché public et délégation de service public. Pour que le contrat soit qualifié de délégation de service public, la rémunération doit alors être substantiellement liée aux résultats d’exploitation du service.

Sous l’influence du droit de l’Union européenne et de la jurisprudence administrative, l’ordonnance « concession » (Ord. N°2016-65, 29 janv. 2016 relative aux contrats de concession) fait disparaître ce critère de la rémunération substantiellement liée aux résultats de l’exploitation pour lui préférer un autre critère de distinction, celui du transfert du risque d’exploitation au concessionnaire.

 

Année 2000

Conseil d’Etat, avis, 8 novembre 2000, Société Jean-Louis Bernard consultants, req. n°222208 (par Paul GASCHARD)

Par cet avis, le Conseil d'État admet par principe qu'une personne publique puisse se porter candidate à l'attribution d'un contrat de la commande publique à condition qu’elle ne tire pas avantage de son statut ou des modalités de financement issues de l’exercice de ses missions de service public pour établir son prix.

Le Conseil d’Etat est venu préciser par la suite que la candidature d’une collectivité territoriale ne peut être légalement présentée que lorsqu’elle répond à un « intérêt public local ». Un tel intérêt est constitué lorsque l’activité en cause constitue le prolongement d’une mission de service public dont la collectivité a la charge (CE, Ass., 30 décembre 2014, société Armor SNC, req. n°355563).


Année 2001

Conseil d’Etat, 9 mai 2001, Epoux Delivet, req. n°231076 (par Anaïs GAUTHIER)

S’agissant d’une demande de référé suspension dans le cadre du contentieux de l’urbanisme, le Conseil d’Etat, par cette décision prend acte de la réforme intervenue le 30 juin 2000 relative au référé devant les juridictions administratives et considère que l’obligation de notification du recours, à la commune et au pétitionnaire, posée à l’article R.600-1 du Code de l’urbanisme, ne s’applique pas au référé.

Quelques mois plus tard, la haute juridiction ajoutera à ce sujet que la demande de référé-suspension d’une décision valant autorisation d’urbanisme devra être rejetée lorsque la demande au fond, tendant à l’annulation cette décision, est entachée d’une irrecevabilité, insusceptible de régularisation en cours d’instance  (Conseil d’Etat, 14 décembre 2001, Courtois, n°238213).

 

Année 2002

Conseil d’Etat, Section, 18 décembre 2002, Mme Duvignères, req. n°233618 (par Emma GEORGE)

La décision dite « Mme Duvignères » a redéfini les conditions dans lesquelles une circulaire peut faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir (REP) en distinguant les circulaires impératives, qui peuvent être attaquées, des circulaires non impératives. Cette jurisprudence est appliquée régulièrement par le juge administratif (par exemple : CE, 26 déc. 2012, Association Libérez les Mademoiselles, n°358226).

La jurisprudence « Mme Duvignères » correspond à un mouvement en faveur d’une plus grande ouverture des actes susceptibles de faire l’objet d’un REP ce qui a été récemment confirmé par l’ouverture à certains actes de droit souple (CE Ass., 21 mars 2016, Sociétés Numéricable et Fairvesta International GmbH et autres, n° 368082-84 et 390023).

 

Année 2003

Cour européenne des droits de l’Homme, 13 février 2003, Chevrol c/ France, affaire n° 49636-99 (par Simon GRAIRIA)

Condamnation de la France pour violation de l'article 6 § 1 de la Convention, du fait de la pratique du juge administratif consistant à solliciter par voie de question préjudicielle l’avis du ministre des affaires étrangères pour apprécier la condition de réciprocité d’un engagement international prévue par l’article 55 de la constitution.

Par la suite, par une décision du 9 juillet 2010, l’Assemblée du Conseil d’Etat (CE, Ass., 9 juillet 2010, Mme Cheriet-Benseghir, n°31774), estime qu’il appartient désormais au juge administratif de vérifier si la condition de réciprocité d’un engagement international, prévue par l’article 55 de la constitution, est ou non remplie, sans s’en tenir à l’avis du ministre des affaires étrangères.

  

Année 2004

Conseil d’Etat, Assemblée, 11 Mai 2004, Association AC ! et autres, req. n°255886 (par Gautier GUARINO)

Une importante exception au principe de rétroactivité a été admise par la jurisprudence AC ! qui reconnaît au juge le pouvoir de moduler dans le temps les effets d'une annulation et d'apprécier s'il y a lieu de déroger, à titre exceptionnel, au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses après une analyse comparée des principes et des intérêts en cause par le juge.

Cette jurisprudence a notamment été appliquée pour l’annulation de décisions individuelles (CE, 12 déc. 2007, Sire) ou encore concernant l’annulation d’une disposition réglementaire, tout en décidant que, sous réserve des actions contentieuses engagées, ses effets devaient être réputés définitifs (CE, 21 nov. 2008, Assoc. des hôpitaux privés sans but lucratif).


Année 2005

Conseil d'Etat, Assemblé, 4 novembre 2005, JC DECAUX, req. n° 247298 (par Camille GUIBOURGE)

Par cet arrêt, le Conseil d’Etat qualifie un contrat mobilier urbain de contrat de marché public et non de délégation de service public dès lors que la société contractante n’a pas la charge effective d’un service public et ce, alors même qu’une part substantielle de sa rémunération proviendrait des recettes de son activité publicitaire.

Désormais l’article 5 de l’ordonnance n°2015-65 du 29 janvier 2016 a été rédigé de manière à inclure les contrats de mobiliers urbains dans les contrats de concession. Toutefois, cette « présomption de qualification » pourrait tomber dès lors que la société cocontractante ne supporte pas le risque d’exploitation de l’ouvrage.

 

Année 2006

Conseil d’Etat, Assemblée, 24 mars 2006, Sté KPMG et autres, req. n°288460 et s. (par Marie HY) 

Le Conseil d’Etat consacre le principe de sécurité juridique en droit interne. Ce principe impose désormais à l’autorité administrative d’édicter, dans certaines circonstances, des mesures transitoires lors d’un changement de réglementation ; c’est notamment le cas si des règles nouvelles sont susceptibles de porter atteinte à des contrats en cours.

 Cette jurisprudence est régulièrement appliquée en ce que le principe de sécurité juridique inspire des règles visant à assurer la connaissance du droit applicable et la stabilité des situations juridiques.


Année 2007

Conseil d’Etat, Assemblée, 16 juillet 2007, Sté Tropic Travaux Signalisation, req. n°291545 (par Mathilde IFCIC)

L’Assemblée du contentieux du Conseil d’Etat donne la possibilité aux concurrents évincés de la conclusion d’un contrat administratif de former un recours devant le juge administratif pour contester la validité de ce contrat après sa signature et de l’assortir d’une demande au juge des référés de suspension de l’exécution du contrat.

Cette décision sera bouleversée par la jurisprudence du Conseil d’Etat du 4 avril 2014, Département du Tarn-et-Garonne, qui ouvre ce recours à tous les tiers ayant un intérêt lésé par un contrat administratif.

 

Année 2008

Conseil d’Etat, 3 octobre 2008, Commune d’Annecy, req. n° 297931 (par Alia JENAYAH)

Par son célèbre arrêt Commune d'Annecy, le Conseil d’Etat a reconnu la valeur constitutionnelle de l'ensemble des droits et devoirs définis dans la Charte de l'environnement. Mais le statut et la portée de ses articles sont plus délicats à appréhender selon qu’ils nécessitent ou non l'intervention de mesures législatives d'application pour produire leur plein effet. 

L'invocabilité de la Charte de l'environnement devant le juge administratif repose aujourd'hui sur deux certitudes : elle est pleinement invocable dès lors qu’il s’agit de faire respecter la compétence du législateur. Toutefois, la Charte peut être invoquée directement dans un recours contre un acte administratif et ce, alors même que le principe posé est imprécis et qu’il existe une disposition législative intermédiaire. C’est le cas de l’article 1er relatif au droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé (CE, 26 février 2014, Asso. Ban Asbestos, n° 351514).


Année 2009

Conseil d’Etat, Assemblée, 28 décembre 2009, Commune de Béziers, req. n°304802 (par Pamela LEDUN)

L’assemblée du contentieux précise l’office du juge administratif lorsqu’il est saisi par les parties à un contrat administratif, d’un recours de pleine juridiction contestant la validité ou les conditions d’exécution du contrat.  

Depuis, le Conseil d’Etat a dégagé les critères permettant d’apprécier le bien-fondé de la demande de reprise des relations contractuelles (CE, 21 mars 2011, Commune de Béziers II), et le recours de pleine juridiction en contestation de la validité des contrats a été ouvert aux tiers (CE, 4 avril 2014, Département de Tarn-et-Garonne).

 

Année 2010

Conseil d’Etat, 3 décembre 2010, Ville de Paris et Association Paris Jean Bouin, req. n°338272 (par Clara MILOUX)

Par son arrêt Ville de Paris et Association Paris Jean Bouin, le Conseil d’Etat avait jugé qu'aucune disposition législative ou réglementaire, ni aucun principe n'imposaient à une personne publique d'organiser une procédure de publicité préalable à la délivrance d'une autorisation ou à la passation d'un contrat d'occupation d'une dépendance du domaine public, ayant dans l'un ou l'autre cas pour seul objet l'occupation d'une telle dépendance. 

Cette règle a évoluée sous l’influence du droit européen (CJUE, 14 juill. 2016, aff. C-458/14 et C-67/15, Proimpressa Srl c/ Consorzio dei comuni della Sponda Bresciana del Lago di Garda e del Lago di Idro, Regione Lombardia). L’ordonnance n°2017-562 du 19 avril 2017 relative à la propriété des personnes publiques a créée un article L. 2122-1-1 du code général de la propriété des personnes publiques, qui prévoit désormais que lorsque le titre d’occupation permet à son titulaire d'occuper ou d'utiliser le domaine public en vue d'une exploitation économique, l'autorité compétente  doit  organiser une procédure de publicité et de mise en concurrence préalable à l’autorisation contractuelle d’occupation domaniale.

  

Année 2011

Conseil d’Etat, 23 décembre 2011, Danthony et autres, req. n° 335033 (par Timothée SAURON)

Par cet arrêt, le Conseil d’Etat a jugé que toute irrégularité affectant la procédure d’élaboration d’un acte administratif n’entraîne pas systématiquement et nécessairement son annulation. Il a ainsi dégagé le principe selon lequel, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer une influence sur le sens de la décision prise, ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie. Le Conseil d’État a précisé que l’application de ce principe n’était pas exclue en cas d’omission d’une procédure obligatoire, à condition qu’une telle omission n’ait pas pour effet d’affecter la compétence de l’auteur de l’acte, comme c’est le cas lorsqu’une décision doit être rendue sur avis conforme.

Néanmoins, échappent toujours à la « Danthonysation » les vices d’incompétence, de défaut de signature et de défaut de motivation.


Année 2012

Conseil d’Etat, Assemblée, 11 avril 2012, Groupement d’information et de soutien des immigrés et autre, req. n°322326 (par Juliette SAUTEREAU)

Dissipant la brume entourant les critères de l’effet direct des traités, le Conseil d’Etat a retenu que pour qu’elle soit d’effet direct, une stipulation conventionnelle ne doit pas avoir « pour objet exclusif de régir les relations entre Etats » et ne requiert « l'intervention d'aucun acte complémentaire pour produire des effets à l'égard des particuliers ».

Ce faisant, il écarte le critère rédactionnel précédemment retenu par la jurisprudence et abandonne le lien autrefois esquissé entre imprécision ou trop grande généralité et absence d'effet direct de la norme conventionnelle.

 

Année 2013

Conseil d’Etat, 13 novembre 2013, Dahan, req. n° 347704 (par Hélène SCANVIC)

L'Assemblée du Conseil d’Etat fait évoluer le contrôle du juge administratif sur les sanctions disciplinaires prises à l’encontre des fonctionnaires en un contrôle normal. Le juge de l’excès de pouvoir contrôle désormais la matérialité des faits, la qualification de ceux-ci et la proportionnalité de la sanction à ces faits.

Par cet arrêt, le Conseil d’Etat a largement influencé le passage d’un contrôle restreint à un contrôle normal de la proportionnalité des sanctions dans d’autres domaines, comme à l’égard des sanctions infligées par l’Ordre des médecins (CE, 20 déc. 2014, Bonnemaison, n° 381245) et celles prises à l’encontre des détenus (CE, 1er juin 2015, M. Borromée, n° 380449).

                

Année 2014

Conseil d'Etat, Assemblée, 4 avril 2014, Département du Tarn-et-Garonne, req. n°358994 (par Marie STASS)

A l'occasion de cet arrêt, l'assemblée du Conseil d'Etat a reconnu à tout tiers à un contrat administratif la possibilité d'introduire un recours de pleine juridiction pour mettre fin à l'exécution de celui-ci. Le juge cantonne cependant l'intérêt à agir du tiers qui doit être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par la passation du contrat ou ses clauses et restreint également les moyens invocables à la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles, ce qui permet une certaine garantie de la stabilité des relations contractuelles.

Si cet arrêt a contribué à simplifier le contentieux des contrats, il continue de poser certaines interrogations. À titre d'illustration, et alors qu’une évolution pouvait être attendue sur ce point, il a été récemment réaffirmé que l'arrêt Tarn et Garonne n'avait pas pour autant mis fin à la jurisprudence Cayzeele (CE, 9 février 2018,Communauté d'agglomération Val d'Europe agglomération, n° 404982).


Année 2015

Tribunal des conflits, 9 mars 2015, Rispal contre Société des Autoroutes du Sud de la France, req. n°3984, (par Renaud SOUCHE)

Le Tribunal des conflits considère qu’une société concessionnaire d’autoroute ne peut être regardée par principe comme ayant agi pour le compte de l’Etat lorsqu’elle conclut avec une autre personne privée un contrat ayant pour objet la construction, l’exploitation ou l’entretien de cette autoroute.

Le juge abandonne ainsi pour l’avenir la jurisprudence Peyrot de 1973 et fait valoir de plein droit la considération du critère organique.


Année 2016

Conseil d’Etat, 21 mars 2016, Société Fairvesta International GMBH et autres, req. n°368082, 368083 et 368084 et Société NC Numericable, req. n° 390023 (par Gaspard TERRAY) 

A l’occasion de deux arrêts rendus le même jour, et de manière inédite, le Conseil d’Etat admet le contrôle, dans le cadre de l’office de l’excès de pouvoir des actes de droit souple des autorités régulatrices (avis, recommandation ou encore communiqués ) lorsqu’ils revêtent le caractère de dispositions générales et impératives ou énoncent des prescriptions individuelles dont ces autorités pourraient ultérieurement censurer la méconnaissance.

Encore faut-il aussi que ces actes soient de nature à produire des effets notables, notamment de nature économique, ou ont pour objet d’influer de manière significative sur les comportements des personnes auxquelles ils s’adressent. Le pragmatisme du juge administratif dépasse désormais sa frilosité originelle dans le contrôle d’actes de droit souple.

Après admettre la recevabilité d’un tel recours, la Haute-cour entreprend classiquement un contrôle de légalité externe et interne des actes litigieux. Sur ce point, il conviendra d’être particulièrement attentif sur les prochaines décisions du juge dans la détermination des normes de référence dans le contrôle de légalité interne d’actes qui, par essence, sont dépourvus de normativité. Affaire à suivre donc… 

 

Année 2017

Conseil d’Etat, Section, 5 mai 2017, Commune de Saint-Bon-Tarentaise, req. n° 388902 (par Ségolène THOMAS)

 Par cet arrêt de section, le Conseil d’Etat revient sur sa jurisprudence «Commune de Saint-Lunaire» du 10 février 2010 n°327149. Initialement, le Conseil d’Etat, par son arrêt «Commune de Saint Lunaire », avait jugé que la délibération du conseil municipal prescrivant l’adoption ou la révision du PLU devait fixer les modalités de la concertation et porter « au moins sur les grandes lignes sur les objectifs poursuivis »; la méconnaissance de ces formalités substantielles entachant d’illégalité le document d’urbanisme approuvé.

Par un revirement majeur d’application immédiate, le Conseil d’Etat a jugé que le moyen tiré de l’illégalité de la délibération du conseil municipal prescrivant l’adoption ou la révision du PLU portant tant sur les modalités de la concertation que sur les objectifs poursuivis par la commune ne pouvait être invoqué contre la délibération approuvant le PLU : "que, si cette délibération est susceptible de recours devant le juge de l'excès de pouvoir, son illégalité ne peut, en revanche, eu égard à son objet et à sa portée, être utilement invoquée contre la délibération approuvant le plan local d’urbanisme ».


Année 2018

Conseil d’Etat, 6 juin 2018, Société Orange, req. n° 411053 (par Anne VILLALARD)

Le Conseil d’Etat vient préciser que la décision de non-reconduction d’un contrat d’occupation du domaine public n’est pas une mesure de résiliation. Ainsi, il n’est pas possible de solliciter auprès du juge administratif l’annulation et la reprise des relations contractuelles. Cette décision doit donc être regardée comme une simple mesure d’exécution du contrat qui ne peut ouvrir droit qu’à une indemnité si elle est intervenue dans des conditions irrégulières.

La position de la Haute juridiction dans sa décision « Société Orange » s’inscrit donc dans la continuité de la jurisprudence Béziers II (CE, 21 mars 2011, Commune de Béziers, n° 304806).  


La promotion 2018-2019

Promotion Jean-Michel DARROIS