La création de l’autorisation environnementale, simple réforme procédurale ?

Extrait de la Gazette n°27 - Juillet 2017

« Il faut repenser le droit de l’environnement, et plus particulièrement le droit de l’environnement industriel, avec pour souci premier la conciliation des équilibres entre la protection de l’environnement et le nécessaire respect du droit d’exercer une activité économique, même réglementée. Le chantier est vaste, mais les enjeux sont décisifs, voire vitaux pour les générations futures [1] ». C’est sans doute à cette idée soulevée par Me Boivin que la création de l’autorisation environnementale fait aujourd’hui écho.

L’autorisation environnementale est entrée en vigueur le 1er mars 2017, suite à sa consécration par une ordonnance et deux décrets d’application en date du 26 janvier 2017 [2] . Le code de l’environnement lui dédie un nouveau titre VIII intitulé « Procédures administratives » avec pour unique chapitre « Autorisation environnementale », composé des articles L. 181-1 à L. 181-31 et R. 181-1 à R. 181-56.

Cette réforme a pour ambition d’améliorer l’attractivité économique de la France sans régression de la protection de l’environnement [3]. Avant la réforme, un même projet pouvait faire l’objet de plusieurs autorisations environnementales. Ces différentes procédures parallèles « ne favorisaient pas une analyse globale des projets et induisaient charges et délais supplémentaires pour les pétitionnaires et les services instructeurs » et pouvaient « être source d’incompréhensions et de contentieux » [4]. En incluant l’ensemble des prescriptions édictées par les différentes législations applicables et relevant de différentes codes, l’autorisation environnementale vise à simplifier ces procédures et réduire les délais pour les pétitionnaires mais également « renforcer le projet en phase amont, par une anticipation, une lisibilité et une stabilité juridique accrues pour le porteur de ce projet [5] ».

Après une phase d’expérimentation lancée en mars 2014 [6], ce dispositif n’était présent que dans certaines régions et concernait les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) et les installations, ouvrages, travaux et activités soumis à la législation sur l’eau (IOTA). A partir du 1er novembre 2015, l’expérimentation a été étendue à l’ensemble du territoire, uniquement pour les ICPE relatives aux énergies renouvelables ainsi que pour les IOTA [7]. L’autorisation environnementale, désormais affranchie de son qualificatif d’« unique », a été pérennisée le 26 janvier 2017 dernier et son champ d’application a été largement modifié.

Aux premiers abords, l’autorisation environnementale fait naître un espoir de simplification du droit de l’environnement pour les porteurs de projet afin de faciliter la vie économique. Cependant, malgré l’approche globalisante et novatrice de ce dispositif, la réforme engagée porte seulement sur les règles de procédure et non de fond (I). La volonté de créer des procédures proportionnées et de prendre des décisions plus transparentes semble en réalité s’être traduite par la consécration de la pratique préexistante (II).

 

I. L’approche globalisante et novatrice de l’autorisation environnementale : une réforme procédurale

A la lecture des dispositions de l’autorisation environnementales concernant son champ d’application (A) et les démarches pour effectuer une demande (B), il en ressort un allègement administratif qui nécessite encore des clarifications.

A. Un champ d’application aux limites incertaines

1. Les projets concernés par l’autorisation environnementale

L’autorisation environnementale s’applique à trois types de projets : les IOTA soumis à la législation sur l’eau relevant du régime de l’autorisation, les ICPE relevant du régime de l’autorisation et les projets soumis à une évaluation environnementale non soumis à une autorisation administrative susceptibles de mettre en œuvre les mesures d’évitement, de réduction et de compensation (ERC) des atteintes à l’environnement [8]. Il est dès à présent utile de noter que l’article L. 181-1 du code de l’environnement spécifie que cette demande est applicable aux projets « lorsqu’ils ne présentent pas un caractère temporaire » ; or, aucune disposition ne prend ensuite en compte les projets IOTA et ICPE à caractère temporaire pouvant être autorisés par le préfet [9].

Ce dispositif intègre jusqu’à douze procédures, notamment les déclarations IOTA, les autorisations d’émission de gaz à effet de serre, les autorisations spéciales au titre des sites classés ou en instance de classement, les enregistrements ou déclarations ICPE, les agréments pour le traitement des déchets ou encore les agréments ou déclarations pour l’utilisation d’organismes génétiquement modifiés (OGM) [10] .

L’autorisation environnementale se substitue ainsi aux procédures d’autorisation ICPE et IOTA initiales. Les projets soumis à autorisation environnementale demeurent régis par les dispositions de fond et par les objectifs et intérêts des réglementations existantes [11]. Les polices spéciales concernant les procédures intégrées à l’autorisation environnementale continuent de s’appliquer. Les procédures de déclaration IOTA, d’enregistrement et déclaration ICPE n’ont quant à elles pas été modifiées. Elles pourront ainsi soit être intégrées à l’autorisation environnementale lorsque le projet comportera par ailleurs des installations soumises à autorisation, soit être obtenues de manière autonome lorsque le projet comportera seulement des installations soumises à déclaration ou enregistrement [12]. Néanmoins, toutes les autorisations prévues par le code de l’environnement, notamment celles de travaux dans le cœur d’un parc national [13], ne sont pas intégrées à l’autorisation environnementale. Comme l’ont noté Me Maitre et Empain, « la situation des porteurs de projet ne s’en trouve [donc] pas facilitée » [14].

En pratique, le porteur de projet doit remettre son dossier auprès d’un seul interlocuteur, le préfet du département ou le préfet de police à Paris, lorsque le projet porte sur une ICPE [15]. L’autorisation environnementale prenant désormais en compte « l’ensemble des opérations environnementales intégrées au projet, (…) le porteur de projet doit avoir [en amont] une vision claire de son projet (…) pour identifier les différents régimes applicables au regard des nomenclatures et critères maintenus dans chaque législation. Le principe est donc que, désormais, une demande d’autorisation unique est déposée pour un projet unique » [16]. Toutefois, lorsqu’un pétitionnaire envisage de réaliser son projet en plusieurs tranches, simultanées ou successives, il peut solliciter des autorisations environnementales distinctes à la double condition que le découpage envisagé n’ait pas pour effet de soustraire le projet à la réalisation d’une évaluation environnementale et qu’il présente une cohérence au regard des enjeux environnementaux [17]. Outre cette exception, la possibilité de déposer des demandes distinctes n’est pas permise. L’autorisation environnementale ne prend donc pas en compte le caractère évolutif de certains projets non linéaires et une flexibilité de la part des autorités compétentes sera donc nécessaire.

Enfin, si une activité, installation, ouvrage ou des travaux relevant de l’autorisation environnementale sont modifiés substantiellement, la délivrance d’une nouvelle autorisation sera nécessaire, que la modification intervienne avant la réalisation du projet ou lors de sa mise en œuvre ou de son exploitation [18]. L’article R. 181-48 du code de l’environnement prévoit que l’autorisation environnementale cesse de produire ses effets dans un délai de trois ans lorsque le projet n’a pas été mis en service ou réalisé à compter du jour de la notification de l’autorisation sauf en cas de force majeure ou de recours contre les décisions administratives en cause.

2. L’articulation entre le droit de l’environnement et le droit de l’urbanisme

L’autorisation environnementale ne vaut pas autorisation d’urbanisme [19], c’est-à-dire que l’autorisation d’urbanisme (permis de construire et d’aménager, décision de non-opposition) pourra être délivrée avant l’autorisation environnementale, mais elle ne pourra être exécutée qu’après la délivrance de l’autorisation environnementale [20]. Seuls les permis de démolir peuvent être exécutés avant [21]. Cette solution impactera la réalisation des projets d’ICPE soumis à autorisation, dont l’exécution du permis de construire était jusqu’à présent possible dès la clôture de l’enquête publique [22].

Une des questions les plus importantes suscitées par cette réforme est sans doute celle de comprendre pourquoi le permis de construire n’est pas inclus dans l’autorisation environnementale. Si l’indépendance des législations environnementale et d’urbanisme est acquise, sa frontière ne cesse de s’effriter, si bien qu’il serait peut-être pertinent d’attribuer au préfet la compétence pour délivrer « les permis de construire liés à des installations et ouvrages dangereux pour l’environnement et la santé, notamment lorsque les prescriptions environnementales tiennent essentiellement aux conditions constructives (ex : entrepôt, barrage) » [23]. Selon Me Gossement, ce choix « correspond à un renoncement politique », l’autorisation d’urbanisme relèverait d’une approche très différente dans ses objectifs, son contenu et ses délais. Or en réalité « cette non-intégration est davantage liée aux autorités administratives compétentes. Elle évite la tutelle de la DREAL [24] sur les collectivités, communes ou intercommunalités » [25].

La demande d’autorisation environnementale ou d’urbanisme nécessaire à la réalisation du projet sera alors rejetée si elle apparaît manifestement insusceptible d’être délivrée eu égard à l’affectation des sols prévue par le document d’urbanisme local (Plan Local d’Urbanisme (PLU), Plan d’occupation des sols (POS), carte communale). L’instruction d’un tel dossier sera néanmoins envisageable en cas de « procédure de révision, de modification ou de mise en compatibilité du document d’urbanisme » [26].

S’agissant des éoliennes terrestres, l’autorisation environnementale dispense par exception du permis de construire [27]. Ce mouvement de simplification devrait se poursuivre puisque le ministère de l’environnement a prévu, d’ici juin 2017, de faciliter le repowering [28] des parcs éoliens via une circulaire et d’adapter le balisage des éoliennes [29] ou encore de modifier, d’ici septembre 2017, les appels d’offre de la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) afin d’assouplir le choix du fournisseur de panneaux photovoltaïque [30].

Même si cela présente une avancée pour ce secteur, cela constitue un repli par rapport à l’expérimentation de l’autorisation environnementale unique des installations productrices d’énergies qui prévoyait l’intégration du permis de construire [31]. En outre, l’intérêt de cette dispense est amoindri par le fait que le dossier de demande pour les installations terrestres de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent doit être complété par « un document établissant que le projet est conforme aux documents d'urbanisme » [32]. Aucun élément textuel ne permet d’établir la nature de ce document mais il semble que l’inspecteur de l’environnement fera appel à la direction départementale des territoires (DDT) afin d’établir la conformité du projet avec le plan local d’urbanisme (PLU) [33].

Le champ d’application de l’autorisation environnementale englobe donc de nombreuses autorisations dans un seul dossier avec un interlocuteur unique. Cependant, la demande de l’autorisation reste encore complexe, tant dans son contenu que par la mise en place préalable du certificat de projet.

B. La demande de l’autorisation environnementale : la persistance d’une législation environnementale complexe

1. Le contenu de la demande

La délivrance de l’autorisation environnementale est conditionnée au respect de la protection d’intérêts environnementaux tels que la santé, la sécurité ou encore la ressource en eau [34].

Afin d’effectuer sa demande d’autorisation environnementale, tout porteur de projet doit fournir les éléments listés à l’article R. 181-13 du code de l’environnement [35]. Il doit en effet transmettre les noms et coordonnées du pétitionnaire, le lieu du projet, un plan de situation du projet à l’échelle 1/25 000. Est désormais généralisée l’exigence d’un document attestant soit de l’accord du propriétaire du terrain, soit de la qualité de propriétaire du pétitionnaire [36].

La demande doit ensuite faire état de la nature et du volume de l’activité, de l’installation, de l’ouvrage ou des travaux envisagés, ses modalités d'exécution et de fonctionnement, des procédés mis en œuvre, ainsi que l'indication de la ou des rubriques des nomenclatures dont le projet relève. Elle doit inclure « les moyens de suivi et de surveillance, les moyens d'intervention en cas d'incident ou d'accident ainsi que les conditions de remise en état du site après exploitation et, le cas échéant, la nature, l'origine et le volume des eaux utilisées ou affectées » [37]. Dans le cas où la demande se rapporte à un projet soumis à évaluation environnementale, le pétitionnaire doit transmettre l’étude d’impact [38] ; dans les autres cas, seulement l’étude d’incidence environnementale [39], prévue à l’article R. 181-14 du code de l’environnement, qui semble se rapprocher « en substance d’une véritable étude d’impact » [40].

D’autres documents complémentaires sont à ajouter selon le projet en question [41], par exemple lorsque celui-ci est soumis à l’obtention d’une autorisation ICPE [42] ou de production d’électricité [43]. Ces informations seront alors réunies en un seul dossier. Le pétitionnaire peut également déterminer les informations confidentielles relevant des secrets protégés par la loi dans son dossier de demande [44].

Il convient de noter que la notice hygiène et sécurité et le plan 1/2 500 des abords de l’installation [45] ne sont plus obligatoires pour une demande d’autorisation environnementale au titre d’une ICPE. En outre, afin de démontrer ses capacités techniques et financières, le pétitionnaire pourra s’appuyer sur des financements simplement envisagés et non plus uniquement sur des financements acquis [46]. Cela devrait surtout faciliter « le développement des installations de production d’énergie renouvelable, qui se mettent en place par le biais du financement de projet » [47]. En effet, « de nombreux projets d’énergies renouvelables prennent la forme de sociétés de projet ad hoc dont les financements et les principaux contrats ne seront conclus et exécutés qu’au moment de la construction » [48].

Enfin, avant le certificat de projet, le pétitionnaire peut solliciter le préfet afin de préparer son projet et son dossier de demande d’autorisation [49]. Cette procédure de cadrage préalable se révèle utile puisqu’elle permet d’échanger de façon très prévisionnelle avec l’administration. Quant au préfet, il peut demander une tierce expertise tant lors de l’instruction d’une demande d’autorisation que postérieurement à sa délivrance, « lorsque le projet présente des dangers ou inconvénients d’une importance particulière » [50].

2. Le certificat de projet : un coup d’épée dans l’eau ?

Pour une meilleure prévisibilité [51], l’ordonnance du 26 janvier 2017 a créé le certificat de projet permettant au pétitionnaire d’obtenir librement, en amont du dépôt d’une demande d’autorisation environnementale, des informations auprès du préfet de département [52]. Le certificat de projet détaille les régimes, décisions et procédures applicables au projet à la date de cette demande, ainsi que la situation du projet au regard des dispositions relatives à l’archéologie préventive. Le certificat comporte également « soit le rappel des délais réglementairement prévus pour l’intervention de ces décisions, soit un calendrier d’instruction (…) » engageant l’administration en cas d’inexactitude ou de méconnaissance des engagements du calendrier qui auraient porté préjudice au pétitionnaire. Le préfet de département peut demander l’organisation d’une concertation avec le public [53]. La sécurité juridique des projets s’en trouve renforcée puisque le préfet de département doit fournir tout élément qui pourrait d’ores et déjà constituer un obstacle à la réalisation du projet en consultant le préfet de région. Cela semble donc avoir un intérêt certain pour les projets particulièrement complexes ou de grande envergure [54].

Le pétitionnaire peut également demander conjointement à sa demande de certificat de projet une demande d’examen au cas par cas [55], une demande d’avis sur le champ et le degré de précision des informations à fournir dans l’étude d’impact [56] ou encore une demande de certificat d’urbanisme [57].

Le certificat de projet est établi dans un délai de deux mois (prolongeable d’un mois) suivant la date à laquelle il a été accusé réception du dossier complet de la demande [58]. Le certificat devra comporter l’identité du demandeur, la localisation avec un plan parcellaire et des références cadastrales, la nature et les caractéristiques principales du projet et également une description succincte de l’état initial des espaces concernés et ses effets potentiels sur l’environnement [59].

Le contenu de ce dispositif a évolué par rapport au stade expérimental puisque le mécanisme de « cristallisation du droit applicable n’a pas été maintenu » [60]. Les professionnels sont plutôt favorables au certificat car il permet d’anticiper tout imprévu par rapport à leur projet. Mais certains estiment déjà que le certificat de projet a manqué son but puisque « l’administration demande des documents qui supposent un processus déjà bien entamé ; (…) or à un tel degré d’avancement, nous sommes quasiment prêts à déposer le dossier, ce que nous faisons ». Or la cristallisation du droit applicable aurait permis de stabiliser la constitution juridique du projet bien qu’elle « aurait été inopposable à la législation européenne » [61]. En outre, le rapport d’évaluation des expérimentations a mis en lumière les difficultés de compréhension du mécanisme de cristallisation pour les porteurs de projet et l’administration [62].

Le certificat de projet semble donc, comme cela a été constaté pendant la période d’expérimentation, constituer « une simple option additionnelle à l’échange préalable non formalisé, qui reste à privilégier » [63].

Outre un champ d’application élargi et la création de procédures d’information en amont d’une demande de dossier, la réforme engagée a voulu diminuer les délais d’instruction des dossiers et concilier les intérêts des porteurs de projet avec ceux de l’administration et des tiers.

 

II. La volonté de procédures proportionnées : entre synthèse et simplification des procédures préexistantes

L’objectif principal de réduction du délai général d’instruction d’un dossier déposé par un porteur de projet a été atteint malgré certaines prolongations possibles (A). Le contentieux de l’autorisation environnementale a également été uniformisé pour accroître la stabilité et la sécurité juridiques d’un dossier (B).

A. L’encadrement relatif des délais d’instruction

La réforme a pour objectif de réduire les délais de la procédure d’instruction afin d’obtenir un délai de neuf mois dans le cas général contre douze à quinze mois en moyenne auparavant [64]. La procédure d’instruction se divise en trois temps : une phase d’examen, une phase d’enquête publique et une phase de décision [65]. Elle reprend pour l’essentiel les anciennes dispositions [66].

D’abord, la phase d’examen [67] durant laquelle se déroulent les consultations nécessaires [68] selon la nature et la localisation du projet auxquelles le préfet doit parfois se conformer. Il doit désormais, dès ce stade de l’instruction, rejeter la demande s’il apparaît qu’en l’état du dossier l’autorisation ne peut être délivrée [69]. Cette phase dure en principe quatre mois à compter de la date de l’accusé de réception du dossier [70].

S’ouvre ensuite une phase d’enquête publique qui s’étend sur deux ou trois mois [71]. Son organisation est calquée pour l’essentiel sur le droit antérieur. Les collectivités territoriales concernées par le projet sont consultées au regard des « incidences environnementales notables de celui-ci sur leur territoire » [72]. Le dossier d’enquête comprend alors les avis récoltés et le cas échéant, la tierce expertise établie durant la phase d’examen. Le préfet dispose de quinze jours pour remettre le projet d’arrêté sur la demande d’autorisation environnementale au pétitionnaire ; celui-ci aura à son tour quinze jours pour présenter d’éventuelles observations par écrit [73].

Enfin l’instruction se termine par une phase décisionnelle [74] qui dure deux mois à compter du jour de réception par le pétitionnaire du rapport d’enquête transmis par le préfet. Le préfet va alors statuer dans ce délai sur la demande d’autorisation à la lumière des résultats de l’enquête publique et des avis sollicités. En cas de consultation, désormais facultative [75], par le préfet pour avis de la Commission départementale de la nature, des paysages et des sites (CDNPS) ou du Conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST), le délai initial est prolongé d’un mois [76].

Le silence gardé par le préfet à l’issue des délais prévus vaut décision implicite de rejet [77] ; il s’agit là d’une nouveauté majeure par rapport au droit antérieur [78].

L’objectif de réduction des délais semble cependant avoir des effets pervers : outre son caractère tout relatif en raison des nombreuses dérogations prévues par l’article R. 181-17 du code de l’environnement, il faut noter que l’article L. 181-11 du code de l’environnement dispose que « les règles de procédure et de consultation relatives à l’autorisation environnementale se substituent aux règles de procédure et de consultation prévues par les autres livres et par les autres législations ». Or si une opération est indépendante de l’autorisation environnementale, les autorités et personnes consultées ne seront pas forcément identiques, posant ainsi des problèmes de compréhension et de mise en œuvre pour les porteurs de projet [79].

De plus, certains professionnels estiment que « le problème des délais s’est déplacé de la phase d’instruction à celle de la recevabilité. Le service environnement de la préfecture est très pointilleux sur la constitution des dossiers » [80]. Aucune sanction n’est non plus prévue en cas de dépassement des délais d’instruction.

La réforme a également eu pour objectif d’harmoniser les règles contentieuses en matière d’autorisation environnementale.

B. Un contentieux uniformisé de l’autorisation environnementale

L’autorisation environnementale comme les autres décisions adoptées par l’autorité préfectorale (rejet de la demande, tierce expertise) sont soumises à un régime de pleine juridiction [81]. S’ajoutent donc aux autorisations ICPE et IOTA relevant déjà du plein contentieux, les autorisations intégrées.

Le juge dispose de pouvoirs importants : surseoir à statuer dans l’attente d’une régularisation de la décision, suspendre l’exécution d’une partie de la décision, l’annuler ou la réformer totalement ou partiellement [82]. Il pourra alors annuler la seule phase d’instruction ou partie de l’autorisation entachée d’irrégularité et demander à l’autorité compétente de reprendre l’instruction à partir de ce point ou de régulariser la partie litigieuse.

Le pétitionnaire ou exploitant bénéficie du même délai de deux mois à compter de la date à laquelle la décision lui a été notifiée. En revanche, les tiers intéressés disposent désormais, « en raison des inconvénients ou des dangers pour les intérêts mentionnés à l'article L. 181-3 du code de l’environnement », d’un délai de quatre mois contre douze auparavant à compter de la publication ou de l’affichage de la décision [83]. Ils peuvent également exercer un recours gracieux ou hiérarchique à l’encontre de la décision prorogeant de deux mois le délai de recours contentieux [84], ce qui était jusqu’à présent impossible [85]. La réduction des délais a pour objectif de « lever les freins actuels à l’émergence de nouveaux projets sur le territoire » [86] et de sécuriser les projets. Cependant, les tiers peuvent demander « une réclamation » [87] au préfet, c’est-à-dire un renforcement des prescriptions une fois la mise en service de l’installation, ce qui amoindrit l’objectif de réduction des délais et vient consacrer une pratique déjà existante [88].

La réforme de l’autorisation environnementale est donc avant tout une réforme procédurale. Portée par une volonté de simplification, elle atténue avec un succès non négligeable la complexité du droit de l’environnement pour les porteurs de projet. Des progrès sont encore possibles, notamment en termes de d’accessibilité et d’intelligibilité de la norme, même si l’autorisation environnementale tente de relativiser « ce que la doctrine a pu qualifier d’hégémonie du droit de l’urbanisme » notamment en dispensant l’exploitation d’éoliennes industrielles de permis de construire [89].

Des dispositions transitoires sont prévues par l’ordonnance : les projets pour lesquels une demande d’autorisation a été déposée avant le 1er mars 2017 continuent d’être instruits sous le régime du droit antérieur. Jusqu’au 30 juin 2017, les porteurs de projet peuvent opter entre une demande d’autorisation environnementale ou des demandes d’autorisations relevant des dispositions législatives antérieures. Il en est de même au-delà de cette date pour les projets pour lesquels un certificat de projet a été délivré avant le 1er mars 2017 et ceux pour lesquels une enquête publique préalable à une déclaration d’utilité publique a été ouverte avant le 1er mars 2017 [90].

Seule son application par les porteurs de projet pourra désormais conforter l’intérêt pratique de l’autorisation environnementale. Quoiqu’il en soit, des éclaircissements pourront être apportés si le juge est saisi de la légalité du décret fixant les modalités de l’autorisation environnementale.

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Andréa MARTI

 

[1] BOIVIN Jean-Pierre, « A l’occasion de la sortie des Florilèges, Michel Beaucomont s’entretient avec Jean-Pierre Boivin », BDEI, supplément n°42, p. 7, décembre 2012

[2] Ordonnance n°2017-80 du 26 janvier 2017 relatif à l’autorisation environnementale et Décrets n°2017-81 (contenu du dossier de demande d’autorisation environnementale et conditions de délivrance et de mise en œuvre de l’autorisation par le préfet) et n°2017-82 (précise les autres pièces et informations spécifiques à joindre au dossier de demande d’autorisation environnementale en fonction des législations auxquelles le projet est soumis) du 26 janvier 2017 relatifs à l’autorisation environnementale. Conformément à l’article 103 de la loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

[3] Rapport au président de la République, relatif à l’ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l’autorisation environnementale, 27 janvier 2017

[4]L’autorisation environnementale, des démarches simplifiées, des projets sécurisées, http://www.developpement-durable.gouv.fr/sites/default/files/L’autorisation%20environnementale.pdf

[5] Ibid

[6] Articles 13 à 16 de la Loi n°2014-1 du 2 janvier 2014 habilitant le gouvernement à simplifier et à sécuriser la vie des entreprises

[7] Article 145 de la Loi n°2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte

[8] Article L. 181-1 du code de l’environnement

[9] Articles R. 214-23, R. 512-36 et R. 512-37 du code de l’environnement

[10] Liste complète à l’article L. 181-2 du code de l’environnement

[11] Article L. 181-4 du code de l’environnement

[12] ADDEN Avocats, L’autorisation environnementale unique a été pérennisée par une ordonnance et deux décrets du 26 janvier 2017, adden-leblog.com, 6 février 2017

[13] Article L. 331-6 du code de l’environnement

[14] MAITRE Marie-Pierre et EMPAIN Ida, Décryptage de l’autorisation environnementale, Revue Lexis-Nexis Energie-environnement-infrastructures, n°5, mai 2017

[15] Article R. 181-2 du code de l’environnement

[16] Ibid

[17] Article L. 181-7 du code de l’environnement

[18] Article L. 181-14 du code de l’environnement

[19] Article L. 181-30 du code de l’environnement

[20] Rapport au président de la République, relatif à l’ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l’autorisation environnementale, 27 janvier 2017

[21] Article L. 181-30 du code de l’environnement

[22] Ancien article L. 512-2 du code de l’environnement (abrogé par l’article 5 de l’ordonnance du 26 janvier 2017).

[23] MAITRE Marie-Pierre et EMPAIN Ida, Décryptage de l’autorisation environnementale, Revue Lexis-Nexis Energie-environnement-infrastructures, n°5, mai 2017

[24] Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement

[25] LEVRAY Nathalie, L’autorisation environnementale unique à l’épreuve de la réalité, Le Moniteur, Droit de l’environnement, 10 mars 2017

[26] Article L. 181-9 du code de l’environnement

[27] Article R. 425-29-2 du code de l’urbanisme

[28] Le repowering consiste à remplacer partiellement ou totalement une installation électrique pour augmenter son rendement, diminuer les émissions de CO2 et réduire les coûts d’exploitation.

[29] ROUSSEL Florence, Vers une facilitation du repowering éolien, Actu-environnement.com, 24 octobre 2016

[30] HARADA Louis-Narito, L’autorisation environnementale unique en vigueur, https://harada.avocat.com, 1er mars 2017

[31] MAITRE Marie-Pierre et EMPAIN Ida, Décryptage de l’autorisation environnementale, Revue Lexis-Nexis Energie-environnement-infrastructures, n°5, mai 2017

[32] 12°) a) de l’article D. 181-15-2 du code de l’environnement

[33] LEVRAY Nathalie, L’autorisation environnementale unique à l’épreuve de la réalité, Le Moniteur, Droit de l’environnement, 10 mars 2017

[34] Article L. 181-3 du code de l’environnement

[35] L’article D. 181-15-10 du code de l’environnement prévoit qu’un arrêté fixe le modèle national de formulaire de demande d’autorisation. Le ministère a annoncé qu’il travaillerait dessus pendant l’été 2017.

[36] Ce n’était jusqu’au 1er mars 2017 obligatoire que pour les installations de stockages des déchets et les carrières, voir 8° et 9° de l’article R. 512-6 du code de l’environnement

[37] 4° de l’article R. 181-13 du code de l’environnement

[38] En application des articles R. 122-2 et R. 122-3

[39] Consacrée par l’article L. 181-8 du code de l’environnement et son contenu est défini à l’article R. 181-14 du même code

[40] MAITRE Marie-Pierre et EMPAIN Ida, Décryptage de l’autorisation environnementale, Revue Energie-environnement-infrastructures, n°5, mai 2017

[41] Voir notamment article R. 181-15 du code de l’environnement

[42] Article D. 181-15-2 du code de l’environnement

[43] Article D. 181-15-8 du code de l’environnement

[44] Article L. 181-8 du code de l’environnement

[45] Ancien article R. 512-6 du code de l’environnement

[46] Article L. 181-27 du code de l’environnement modifiant l’article L. 512-7-3 du code de l’environnement

[47] MAITRE Marie-Pierre et EMPAIN Ida, Décryptage de l’autorisation environnementale, Revue Energie-environnement-infrastructures, n°5, mai 2017

[48] Rapport au président de la République, relatif à l’ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l’autorisation environnementale, 27 janvier 2017

[49] Article L. 181-5 du code de l’environnement

[50] Article L. 181-13 du code de l’environnement

[51] Rapport au président de la République, relatif à l’ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l’autorisation environnementale, 27 janvier 2017

[52] 2° de l’article L. 181-5 du code de l’environnement

[53] Articles L. 181-6 et R. 181-6 du code de l’environnement

[54] MAITRE Marie-Pierre et EMPAIN Ida, Décryptage de l’autorisation environnementale, Revue Energie-environnement-infrastructures, n°5, mai 2017

[55] Prévue par l’article L. 122-1 du code de l’environnement

[56] Prévue par l’article L. 122-1-2 du code de l’environnement

[57] Prévue par l’article L. 410-1 du code de l’urbanisme

[58] Article R. 181-5 du code de l’environnement

[59] Article R. 181-4 du code de l’environnement

[60] 3° de l’article 13 de la loi n°2014-1 du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises et ZARKA Jean-Claude, La réforme de l’autorisation environnementale unique, Petites affiches, n° 072, page 7, 11 avril 2017

[61] LEVRAY Nathalie, L’autorisation environnementale unique à l’épreuve de la réalité, Le Moniteur, Droit de l’environnement, 10 mars 2017

[62] Rapport d’évaluation des expérimentations de simplification des entreprises dans le domaine environnemental, p.4, décembre 2015

[63] Maître Marie-Pierre et EMPAIN Ida, Décryptage de l’autorisation environnementale, Revue Energie-environnement-infrastructures, n°5, mai 2017

[64] ZARKA Jean-Claude, La réforme de l’autorisation environnementale unique, Petites affiches, n°072, page 7, 11 avril 2017

[65] Article L. 181-9 du code de l’environnement

[66] GARANCHER Thomas, L’autorisation environnementale unique, Le Moniteur, n°5911, p.87, 3 mars 2017

[67] Articles R. 181-16 à R. 181-35 du code de l’environnement

[68] Exemples de consultations : articles R. 181-26, R. 181-27, R. 181-28, R. 181-32 du même code.

[69] Compétence liée, article R. 181-34 du code de l’environnement. Article L. 181-9 du code de l’environnement

[70] Article R. 181-17 du code de l’environnement

[71] Articles L. 181-10 et R. 181-36 à R. 181-38 du code de l’environnement, l’enquête publique est organisée sur le fondement des articles L. 123-1 et suivants du code de l’environnement

[72] Article R. 181-38 du code de l’environnement

[73] Article R. 181-40 du code de l’environnement

[74] Articles R. 181-39 à R. 181-44 du code de l’environnement

[75] Auparavant obligatoire : ancien article R. 512-25 du code de l’environnement

[76] Article R. 181-41 du code de l’environnement

[77] Article R. 181-42 du code de l’environnement

[78] CAA Nancy, 5 février 1998, SNC ATEP, n°93NC00739

[79] MAITRE Marie-Pierre et EMPAIN Ida, Décryptage de l’autorisation environnementale, Revue Energie-environnement-infrastructures, n°5, mai 2017

[80] LEVRAY Nathalie, L’autorisation environnementale unique à l’épreuve de la réalité, Le Moniteur, Droit de l’environnement, 10 mars 2017

[81] Article L. 181-17 du code de l’environnement

[82] Article L. 181-18 du code de l’environnement et GEIB Thibaut, La réforme de l’autorisation environnementale unique en 10 questions, AJDI 2017, p. 195

[83] Articles R. 514-3-1 et R. 181-50 du code de l’environnement (Intérêts mentionnés à l’article L. 181-3 du même code : respect des objectifs de conservation du site Natura 2000, respect des conditions d’affectation des quotas d’émission de gaz à effet de serre…).

[84] Ibid

[85] CE, Section du contentieux, 21 décembre 2007, Groupement d’irrigation des prés de la forge, n°280195

[86]http://www.consultations-publiques.developpement-durable.gouv.fr/projets-d-ordonnance-et-de-decret-creant-l-a1532.html

[87] Article R. 181-52 du code de l’environnement (supprime le recours ouvert aux tiers jusqu’à six mois à compter de la mise en service de l’activité, lorsque celle-ci n’est pas intervenue dans les six mois suivant la publication ou l’affichage de la décision d’autorisation, article L. 514-3-1 du code de l’environnement)

[88] MAITRE Marie-Pierre et EMPAIN Ida, Décryptage de l’autorisation environnementale, Revue Energie-environnement-infrastructures, n°5, mai 2017

[89] Selon les mots de Me Jean-Pierre Boivin, voir DEHARBE David, Réflexions, sans fétichisme ni désenchantement sur la police des ICPE 40 ans après la loi du 19 juillet 2016

[90] Article 15 de l’ordonnance n°2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l’autorisation environnementale