Compte rendu – Conférence « Vers un pacte mondial pour l’environnement ».

Compte-rendu de la conférence du 24 juin 2017 à la Sorbonne

Extrait de la Gazette n°27 - Juillet 2017

Le samedi 24 juin 2017, une conférence s’est tenue à la Sorbonne pour donner une impulsion publique à l’élaboration du Pacte mondial pour l’environnement. Sous la présidence de M. Laurent Fabius, président du conseil constitutionnel (et parrain de la promotion 2017-2018 de l’EFB), cet événement a permis de présenter l’avant-projet de Pacte élaboré par la Commission environnement du Club des juristes, dirigée par Me Yann Aguila.

De nombreuses personnalités ont répondu à l’appel : le Président de la République, le ministre de la transition écologique et solidaire, l’ancien secrétaire général des Nations Unies, M. Ban Ki-Moon, la maire de Paris ou encore l’ancien gouverneur californien, M. Arnold Schwarzenegger ont participé à cette conférence.

Face à une profusion des normes en droit international de l’environnement – cinq cent traités sont liés de près ou de loin à la protection de l’environnement – le rapport du Club des juristes de novembre 2015 prévoyait déjà la création d’un « texte universel à valeur obligatoire regroupant l’ensemble des principes fondateurs du droit international de l’environnement » [1]. Il en ressort un avant-projet de texte, composé de 26 articles, rédigé par environ quatre-vingt experts internationaux rappelant les grands principes environnementaux.

Cette action s’inscrit dans la lignée de l’Accord de Paris sur le climat approuvé le 12 décembre 2015. En réaffirmant sans délai la volonté d’une protection effective de l’environnement par le droit, l’ensemble des acteurs mobilisés souhaite montrer que la décision d’un seul homme – en l’occurrence celle du président américain M. Donald Trump de se retirer de l’Accord de Paris sur le climat – n’aura que très peu d’impact face à une communauté internationale rassemblée [2].

Comme l’a affirmé Me Yann Aguila, le Pacte doit devenir la « pierre angulaire » du droit international de l’environnement (I). Il tente d’harmoniser le droit international de l’environnement en codifiant et consolidant les règles et les principes existants (II).

 I. L’établissement d’une « pierre angulaire » pour le droit international de l’environnement

Le Pacte a pour objectif d’harmoniser et de mettre en relation l’ensemble des garanties textuelles existantes pour la protection de l’environnement (A). Les rédacteurs du Pacte souhaitent de plus lui donner une véritable portée juridique, notamment en consacrant un chapitre au droit au recours garantissant l’invocabilité du Pacte devant les juridictions internationales et internes (B).

A. L’harmonisation des conventions environnementales sectorielles existantes

Le Pacte mondial pour l’environnement a pour objectif de parachever le diptyque des Pactes internationaux de 1966 relatifs aux droits civils et politiques et aux droits économiques et sociaux. Consacrant une nouvelle génération de droits fondamentaux, la protection de l’environnement, les trois aspects du développement durable seraient alors garantis. Le droit international est d’autant plus légitime en matière d’environnement puisqu’un Etat ne peut offrir à lui seul une solution à un problème mondial.

Depuis 1902 avec la Convention de Paris relative aux oiseaux utiles à l’agriculture, de nombreuses conventions ont été signées et ratifiées pour protéger, de manière directe ou indirecte, l’environnement. M. Laurent Fabius dénonçait lors de la conférence du 24 juin 2017 le manque d’actions pour la protection de l’environnement avant la survenance de catastrophes. En effet, ce sont le naufrage du pétrolier Torrey Canyon en 1967 près des côtes bretonnes et le premier choc pétrolier qui font prendre conscience à la communauté internationale de la nécessité de préserver l’environnement.

Seront alors adoptées la Déclaration de Stockholm de 1972 puis suite au rapport Bruntland (« Notre avenir à tous »), celle de Rio de 1992. Ces deux textes ont engendré la signature de plus de cinq cent traités multilatéraux concernant l’environnement, notamment la Charte mondiale de la nature de 1982 rappelée dans le Préambule de l’avant-projet du Pacte.

Cependant, la majorité des principes en matière d’environnement a été énoncée dans des instruments de droit souple – soft law – qui ne constituent donc pas une source d’obligations internationales pour les Etats à moins qu’ils ne l’incluent dans leur pratique. Le Pacte tente de pallier ce problème.

B. La nécessité d’un Pacte opposable aux Etats

Comme l’a énoncé Me Yann Aguila, les textes actuels sont dépourvus de portée juridique et ne sont donc pas opposables aux Etats. L’édiction d’un traité international à valeur normative permettra d’invoquer les principes de protection de l’environnement devant les juridictions internationales et nationales. Ouvert à la ratification universelle des Etats, le Pacte permettra d’inscrire dans le droit dur l’ensemble des principes de protection de l’environnement.

Le rapport du club des juristes de 2015 précité prévoyait l’édiction d’un chapitre consacré au droit de recours garantissant l’invocabilité du Pacte devant les juridictions internes. Désormais l’article 11 intitulé « Accès à la justice en matière environnementale » de l’avant-projet de Pacte dispose que « les parties veillent à garantir un droit d’accès effectif et à un coût abordable aux procédures administratives et judiciaires, notamment pour des réparations et des recours, pour contester les actions ou omissions des autorités publiques ou des personnes privées qui contreviennent au droit de l’environnement, prenant en considération les dispositions du présent Pacte ».

Jusqu’à présent, seules des procédures de non-respect – non-compliance – et de rapports – reporting – étaient prévues par certains traités et conventions. C’est par exemple le cas du Protocole de Montréal sur la protection de la couche d’ozone de 1987, de la Convention d’Espoo [3] de 1991, de la CITES [4] de 1973 ou encore du Protocole de Kyoto de 1997 ou de la Convention d’Aarhus de 1998 qui permettent notamment à une ONG (organisation non gouvernementale) d’actionner le mécanisme de non-respect, à condition que la partie concernée ait accepté ce droit [5]. En application de la procédure de non-respect prévue par la CITES, une quarantaine d’Etats ont été sanctionnés depuis 1985, consistant en la suspension du commerce et de transactions d’une ou plusieurs espèces. Le mécanisme de non-respect a également provoqué la « mort » du protocole de Kyoto en raison du retrait du Canada en 2011 afin d’éviter de possibles sanctions.

L’article 21 de l’avant-projet concernant le suivi de la mise en œuvre du Pacte prévoit la nomination d’un « comité d’experts indépendants (…). Il fonctionne d’une manière transparente, non accusatoire et non punitive. Le comité accorde une attention particulière à la situation et aux capacités nationales respectives des Parties ».

L’effectivité du Pacte et son opposabilité devant les juridictions internationales et internes sont primordiales pour assurer le respect des principes qui y sont réaffirmés.

II. La codification et la consolidation de règles et principes reconnus en droit international de l’environnement

 Le Pacte mondial pour l’environnement affirme de nombreux principes déjà reconnus en codifiant également de nouveaux droits et devoirs (A). Malgré l’engouement des juristes et des défenseurs de l’environnement, la mise en œuvre du Pacte mondial pour l’environnement nécessite encore plusieurs années avant d’entrer en vigueur (B).

A. La (ré)affirmation de droits et de devoirs pour la protection de l’environnement

Il faut d’abord noter que le Préambule de l’avant-projet souligne le rôle vital des femmes en matière de développement durable et rappelle la nécessité de promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes. Il ajoute également la nécessité de respecter, promouvoir et prendre en considération les droits et savoirs des populations autochtones, les communautés locales, les migrants, les enfants, les personnes handicapées et les personnes en situation vulnérable. Le rappel de ces considérations est important puisque les volets économique et environnemental du développement durable ne peuvent se réaliser sans le respect et la promotion du troisième volet, le volet social.

Les deux premiers articles affirment le droit à un environnement écologiquement sain et le devoir de prendre soin de l’environnement. Si le premier article rappelle l’article 1er de la Charte de l’environnement et la formule utilisée par les juges dans l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme, Lopez-Ostra c/ Espagne en 1994, le deuxième article vient affirmer clairement le devoir pour toute personne physique ou morale, publique ou privée de prendre soin de l’environnement.

Le Pacte reprend également les principes d’intégration et de développement durable, de prévention, de précaution, de dommages à l’environnement, de pollueur-payeur, d’information et de participation du public, d’éducation et de formation, de recherche et d’innovation et de coopération.

Le principe de non-régression se voit désormais consacré à l’article 17 afin de ne pas diminuer le niveau global de protection de l’environnement garanti par le droit en vigueur. Le droit des générations futures, qui était notamment énoncé dans le préambule de la Charte de l’environnement, est prévu à l’article 4 de l’avant-projet intitulé « Equité intergénérationnelle ». 

B. Une étape importante pour l’adoption du futur Pacte mondial pour l’environnement

Ne nous emballons pas, il ne s’agit encore que d’un simple avant-projet comme l’a rappelé Me Yann Aguila. Mais tout de même, la rédaction de cet avant-projet a mobilisé de nombreux juristes, venant du monde entier. M. Antonio Benjamin, juge à la Haute Cour nationale du Brésil a affirmé que « si de nombreux pays poussent dans la même voie, deux ans pourrait être un délai raisonnable pour proposer un texte à l’assemblée générale » [6].

M. Laurent Fabius a souligné très justement « la maison brûle toujours, mais nous ne regardons plus ailleurs » en référence au discours prononcé par l’ancien Président de la République, M. Jacques Chirac en 2002 à Johannesburg. L’actuel Président, M. Emmanuel Macron souhaite porter ce nouveau projet, notamment à la réunion du G20 des 7 et 8 juillet 2017 à Hambourg, donnant une force aux futurs échanges diplomatiques en faveur du Pacte.

Et pour ceux qui veulent garder espoir, rappelons-nous la phrase de M. Arnold Schwarzenegger, à propos de l’Accord de Paris sur le climat : « If anyone wants to oppose the Paris agreement, I will terminate him ».

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Andréa MARTI

 

[1] Rapport du Club des juristes « Renforcer l’efficacité du droit international de l’environnement – Devoir des Etats, droit des individus », http://www.leclubdesjuristes.com/rapport-renforcer-lefficacite-du-droit-international-de-lenvironnement-devoirs-des-etats-droits-des-individus/#_ftn1, novembre 2015

[2] Pour comprendre le mécanisme de sortie de l’Accord de Paris sur le climat, voir : KERBRAT Yann, Actualités environnement 721, La semaine juridique, N°25, 19 juin 2017, p. 1238

[3] Convention sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière

[4] Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction

[5] Article 9 2. de la Convention d’Aarhus

[6] ROGER Simon, Macron s’engage à défendre le projet de « pacte mondial pour l’environnement », 25 juin 2017, Le Monde