Simon DUBOIS, Avocat fondateur de Dorean Avocat, Président du syndicat de l'Union des Jeunes Avocats à la cour de Paris

Extrait de la Gazette n°42- Septembre 2020 - Propos recueillis par Sandrine Lebel et Laetitia Domenech

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Simon DUBOIS

Avocat fondateur de Dorean Avocat

Président du syndicat de l’Union des Jeunes Avocats à la cour de Paris

Je conseille aux élèves-avocats d’avoir confiance en eux et d’être audacieux”

Maître Dubois, pourriez-vous exposer votre parcours à nos lecteurs ?

Originaire de Picardie, j’ai, en terminale, intégré le centre de formation de volley-ball de Saint-Quentin. Par la suite, j’ai donc pu allier l’utile à l’agréable en réalisant mes études de droit à l’université de Cambrai en parallèle de mes entrainements de volley-ball à Saint-Quentin. En troisième année, j’ai privilégié mes études et ai achevé ma licence  à l’Université de Lille 2. J’ai ensuite intégré le Master I de Droit public général de l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne, puis, le Master II Administration et politiques publiques de l’Université Paris II Panthéon-Assas.

Durant ma scolarité, j’ai effectué des stages au sein de la juridiction administrative, notamment au Tribunal administratif d’Amiens et au Conseil d’Etat. Ces stages ont renforcé mon attrait pour le droit public et m’ont décidé à passer les concours de la haute fonction publique.

Après avoir intégré la prép’ENA de l’Université Paris-Dauphine, j’ai passé différents concours. Admissible aux épreuves orales du concours de directeur d’hôpital et celles du CRFPA, j’ai choisi de faire le pari du métier d’avocat.

Avant d’intégrer l’Ecole de Formation du Barreau de Paris (EFB) en 2015, j’ai travaillé deux ans au Ministère de l’intérieur en tant que consultant juridique auprès de Mme Pascale Léglise. Cette expérience a été très enrichissante.

Une fois élève avocat, j’ai réalisé mon stage final au sein du cabinet Lefèvre Pelletier Avocats, en droit public des affaires auprès de Me Olivier Ortega, et j’ai ensuite été recruté pour ma première collaboration, en 2017, par le Cabinet Latournerie Wolfrom Avocats.

Enfin, en 2019 j’ai décidé de sauter le pas et de m’installer en créant le cabinet Dorean Avocat.

Concomitamment à mon arrivée dans la profession, j’ai adhéré, sur conseil d’un ancien « IDPiste » Thomas Charat, à l’Union des jeunes avocats (UJA) de Paris et ai créé sa commission Droit public. L’année suivante, j’ai intégré le bureau de la Fédération Nationale des Unions des Jeunes Avocats (FNUJA) sous la présidence d’Aminata Niakate. Puis, en 2019, j’ai été élu au poste de Premier Vice-Président de l’UJA de Paris, sous la présidence de Marion Couffignal.

Et le 29 juin 2020, j’ai été élu Président de l’UJA de Paris.

Pourquoi avez-vous choisi d’intégrer l’IDPA ?

J’avais de l’énergie à revendre et peur de m’ennuyer à l’école d’avocat. Intégrer l’IDPA représentait pour moi la possibilité de pouvoir m’engager dans une formation spécialisée en droit public.

Mon énergie m’a tout naturellement conduit à candidater à la présidence de l’association. Elu président, j’ai pu me donner et m’investir pleinement.

Ancien membre du Bureau de la FNUJA, vous avez récemment été élu Président de l’UJA de Paris, pouvez-vous nous présenter le syndicat et vos responsabilités ?

L’UJA a été créé il y a maintenant presque 100 ans, en 1922. A cette époque au sein du barreau de Paris, il était compliqué d’être jeune avocat. Les jeunes, considérés comme stagiaires, étaient formés par les avocats, souvent pendant plusieurs années sans toucher aucun revenu. Le jeune avocat, à cette époque, revient de la guerre. Ce système convenait, en pratique, aux jeunes diplômés issus de familles aisées, pouvant subvenir à leurs besoins sans rémunération issue de leur activité. En 1922, cinq jeunes avocats, dont Joseph Python, ont donc décidé de créer, l’Union des jeunes avocats (UJA). L’association, bientôt centenaire, a survécu à des périodes difficiles telles que la seconde guerre mondiale, où nombre de ses membres ont été arrêtés et déportés (avocats naturalisés, juifs, francs-maçons).

Depuis 100 ans, l’UJA de Paris, association apolitique, a pour vocation de défendre les droits des collaborateurs. L’UJA s’est battu pour que les stagiaires perçoivent une gratification de stages, pour la mise en place par le Conseil de l’Ordre d’un plancher minimum de rétrocession pour les collaborateurs, pour la création et l’extension de la durée des congés maternité et paternité, pour les délais de prévenance, etc.

L’UJA de Paris alimente de ses travaux et de sa doctrine, les institutions nationales comme le Conseil de l’Ordre ou le Conseil National des Barreaux, elle pense et construit l’avocat de demain.

Concernant son fonctionnement, l’UJA de Paris est administrée par une Commission permanente. Elle regroupe 40 membres élus parmi les adhérents de l’UJA. Elle délibère une fois par mois sur des sujets d’actualité relatif à l’exercice de la profession d’avocat. Elle adopte des motions et des communiqués. Une fois par an, l’UJA se réunie avec les autres UJA de France, sous l’égide de la FNUJA, en Congrès national durant lequel elle élabore notamment la doctrine nationale pour l’année.

La Commission permanente est présidée par le Président de l’UJA de Paris qui est assisté d’un bureau, composé d’un premier vice-président, d’un vice-président, d’un secrétaire général, d’un secrétaire général adjoint et d’un trésorier.

Les responsabilités du Président sont de représenter l’UJA de Paris dans tous les actes de droit, de convoquer la commission permanente, d’orienter les travaux des commissions d’études, d’impulser le renouveau et la réflexion sur les problématiques auxquelles sont soumis les collaborateurs. Le Président de l’UJA doit, d’une part, assurer la poursuite et le respect des traditions et de la doctrine et, d’autre part, innover et renouveler les forces vives de l’UJA.

Au cours de l’année 2019 vous avez monté votre cabinet, comment s'est passé votre installation ?

Décider de s’installer et de créer son propre cabinet est une décision vertigineuse. On passe d’un statut (que l’on pense) sécurisé et stable de collaborateur, à un statut prétendu plus précaire, sans être sûr d’avoir des revenus suffisants pour vivre.

Toutefois, une fois la décision prise, une fois la démission notifiée au cabinet collaborant, je n’ai eu qu’une obstination : transformer l’essai, donner corps à mon projet, notamment en allant chercher et en fidélisant des clients. C’est une expérience tellement prenante et excitante que j’ai oublié le trac et transformé le stress de l’installation en énergie.

Je pense que la décision de l’installation ou de l’association est l’une des plus grandes et plus belles décisions d’un avocat.

Pour ma part, j’ai eu la chance d’avoir une clientèle fidèle qui m’a suivie et soutenue dans mon installation. J’encourage tous les jeunes avocats à considérer qu’un tel projet est au nombre des horizons toujours possibles pour un avocat.

Le rapport de la mission relative à l’avenir de la profession d’avocat remis par Dominique Perben à Éric Dupond-Moretti, le 26 août dernier préconise que tous les barreaux souscrivent à une assurance perte de collaboration. Pensez-vous que cette préconisation offre une protection suffisante à l’avocat collaborateur ?

Le rapport Perben a le mérite d’exister et de s’être saisi de sujets intéressants. Mais malheureusement il ne s’est pas donné les moyens d’atteindre ses objectifs. Il fait un constat qui est unanimement partagé : il faut améliorer la situation des avocats collaborateurs. Nous l’avons vu avec la crise du COVID, même en respectant les règles relatives au contrat de collaboration, le collaborateur peut être dans une situation très précaire.

Nous avons plusieurs instruments pour améliorer cette situation et l’assurance perte de collaboration est un instrument parmi d’autres.

Aujourd’hui presque tout le monde est d’accord pour considérer qu’en tant que travailleur indépendant, les avocats doivent pouvoir bénéficier d’une assurance chômage. Cette assurance chômage pour les indépendants a d’ailleurs été une des promesses du Président Macron, mais son dispositif n’est pas adapté aux avocats collaborateurs. Pour pouvoir en bénéficier, il faut, que l’entreprise ai fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire ou de redressement judiciaire, ce qui n’est pas possible pour les collaborateurs lorsque leur contrat de collaboration est rompu.

L’assurance perte de collaboration apparait donc comme une solution idéale pour pallier à la perte de collaboration et avoir des moyens de substance.

Ce que l’UJA reproche au rapport Perben, c’est de ne pas avoir abordé les conditions de mises en œuvre de cette assurance. Le rapport laisse penser que la généralisation d’une assurance perte de collaboration à l’ensemble des barreaux, sur le même modèle que celui mis en place par le barreau de Rouen, est possible. Or, cet exemple n’est pas financièrement transposable à tous les barreaux.

On reproche également au rapport Perben de ne pas avoir fait d’études financières et d’analyses pour déterminer sous quelles conditions l’assurance collaboration pourrait être mise en œuvre dans tous les barreaux. Aujourd’hui nous entendons de nombreuses propositions, certains disent que seuls les cabinets paieront, d’autres que ce sera les collaborateurs, ou que l’on va faire un taux en fonction du « turn over » des collaborateurs dans les cabinets. Il faut réfléchir, estimer, étudier, prévoir et poser des conditions acceptables pour les collaborateurs, les collaborants mais également pour les assureurs.

Mais l’amélioration du statut des collaborateurs passe également par d’autres instruments comme la pluriactivité, l’autorisation de la rémunération des apports d’affaires, l’augmentation du tarif ordinal, la création d’un tarif ordinal minimum en troisième année et pour les années suivantes, la création d’un privilège sur les créances de rétrocessions, la mise en place par les ordres de contrôles a posteriori de l’exécution des contrats de collaboration libérale … 

Certains avocats dénoncent le système des appels d’offres de prestations juridiques qui paupérisent la profession des avocats exerçant en droit public des affaires. Quel est votre avis sur cette question ?

Je trouve que la mise en concurrence sur les prestations juridiques n’a pas tenu ses promesses.

C’est-à-dire que, les grandes théories économiques le prouvent, la mise en concurrence permet, en principe, de créer des équilibres sur les marchés. Mais pour les prestations juridiques, je trouve que la concurrence a eu l’effet inverse. La situation se répercute sur les avocats puisque les prestations sont de plus en plus bradées et je ne crois pas que cette mise en concurrence ait eu pour effet de globalement améliorer la qualité des prestations fournies. Pour ainsi dire, la mise en concurrence a parfois conduit à une industrialisation des services de prestations juridiques. On entend souvent la critique selon laquelle ce sont toujours les mêmes avocats qui répondent aux mêmes appels d’offres et qui produisent des mémoires impersonnels à bas prix.

Néanmoins, le sens de l’histoire semble aller vers une dérèglementation, avec par exemple, l’augmentation des seuils des marchés publics et les débats récurrents sur la sortie des prestations juridiques du champ de la mise en concurrence.

Quels conseils dispenseriez-vous aux nouveaux élèves de l’IDPA ?

D’avoir confiance en eux, d’être audacieux ! De ne pas être frileux, parce qu’au-delà même de l’exercice de leur profession, je pense que les avocats ont un véritable rôle à jouer dans la société.

Nous sommes dans une ère qui est propice à la règlementation, aux cadres, à la restriction, et pour des raisons qui le justifient ! Je pense aux crises sanitaires, au terrorisme. Mais, pour un avocat, il faut toujours savoir se battre et savoir reconnaître qu’il y a des libertés auxquelles il ne faut pas toucher. Et si la défense de ces libertés doit passer par la désobéissance, alors il faudra désobéir. Notre démocratie ne s’est-elle pas construite sur la désobéissance ? Un grand avocat, le plus connu probablement, a dit que la plupart des avocats sont « marrants, irrévérencieux, insolents, un peu anars ». Vous le connaissez, il est désormais Ministre de la justice.