Maître Anne PETITJEAN, Avocate associée au cabinet Herbert Smith Freehills

Extrait de la Gazette n°40 - Novembre 2019 - Propos recueillis par Louis GROHARD et Julie PALADIAN

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Anne PETITJEAN

Avocate associée, cabinet Herbert Smith Freehills

Maître PETITJEAN, pourriez-vous exposer à nos lecteurs quel a été votre parcours?

Après une Maitrise et un DEA en Droit Public de l’Université de Poitiers, j’ai effectué un DESS Contentieux Droit Public de l’Université Panthéon Sorbonne (Paris I). J’ai par la suite intégré l’IDPA à l’issu duquel je suis partie un an aux États-Unis pour perfectionner mon anglais.

A mon retour, j’ai essentiellement travaillé en droit de l’urbanisme dans des cabinets français de niche jusqu’à ce que je sois démarchée pour rejoindre le département immobilier du cabinet américain White & Case. Au sein de ce cabinet, dans lequel je suis restée dix ans, j’ai continué à intervenir sur des problématiques d'urbanisme et d'aménagement et ai pu élargir mon champ de compétence aux opérations de promotion et d'investissement auprès d’investisseurs français et étrangers réalisant des opérations en France.

J’ai ensuite rejoint le cabinet anglais Herbert Smith Freehills où je suis désormais associée au sein du département immobilier depuis 18 mois.

Pourriez-vous nous présenter votre cabinet et vos fonctions en son sein?

Le cabinet Herbert Smith Freehills est un cabinet anglais comptant environ 130 avocats et une trentaine d’associés à Paris. Je suis associée au sein du département immobilier où j'ai essentiellement une activité transactionnelle pour les besoins d’investisseurs français et étrangers. Je travaille également en étroite collaboration avec l’équipe immobilière de Londres, dont l’effectif, proche d’une centaine, est l'un des plus importants de la place Londonienne. Notre interaction avec Londres est essentielle pour notre développement dans la mesure où Londres demeure une plate-forme internationale très forte qui nous permet d'avoir accès à une clientèle très internationale (canadienne et asiatique notamment) qui cherche des relais pour investir en immobilier en France.

Quelles étaient vos motivations pour intégrer l’IDPA?

L’IDPA représentait pour moi un enseignement extrêmement qualitatif et sélectif qui était très reconnu à mon époque, comme aujourd’hui. 

Le 21 août dernier, trois décrets relatifs à la règle selon laquelle le silence gardé par l’administration sur une demande vaut acceptation sont venus modifier la partie réglementaire du code de la construction et de l’habitation. Pensez-vous que ces décrets vont clarifier le contentieux en droit de la construction?

Si ces décrets sont susceptibles de clarifier le mécanisme d'obtentions de certaines autorisations, il n'en demeure pas moins qu'en pratique cela sera sans incidence sur le comportement de nos clients qui, en tout état de cause, cherchent à tout prix à éviter un contentieux que nous considérons toujours comme contre-productif dans une logique d'investissement et que nous cherchons à éviter au maximum. La plupart du temps nos clients ne souhaitent pas rentrer dans une logique contentieuse qui aurait pour effet néfaste de bloquer et retarder leurs projets immobiliers

Notre démarche est toujours très transactionnelle, et notre intervention dans des contentieux immobiliers reste très marginale car ne correspondant pas à la logique de nos clients investisseurs.

Quel regard portez-vous sur la réforme du droit des obligations dans la pratique immobilière?

Pour le moment ça n’a pas réellement révolutionné nos pratiques au titre de la conclusion des contrats,

Nous sommes toutefois très réservés sur l’article 1195 du Code civil et sa nouvelle définition de l’imprévision. Nous ne souhaitons absolument pas qu’un juge puisse s’immiscer dans l’équilibre de nos contrats. C’est pourquoi, de manière assez systématique nous faisons renoncer les parties à l’article 1195 du Code civil pour faire en sorte que ces dernières puissent régler leur différend entre elles, le cas échéant par l’intervention d’un expert, voire même d’un arbitrage.

Encore une fois, cela s’inscrit dans notre logique visant à éviter au maximum le contentieux et à confier l'équilibre économique de contrats immobiliers complexes impliquant de lourds investissements à l'appréciation d'un juge.


Pensez-vous que la pratique de l'avocat mandataire immobilier est amenée à se développer?

Bien qu’il y ait eu un certain engouement pour cette pratique, il me paraît quelque peu compliqué d’éviter le mélange des genres. Pour ma part, je pourrais avoir des difficultés à exercer ma pratique en toute objectivité en étant, à côté, porteur d’un mandat immobilier.
Il me paraît effectivement ardu de conserver son objectivité tout en ayant la double casquette.

Concernant la lutte contre les recours dits abusifs en droit de l’urbanisme, les nouvelles dispositions issues de la loi ELAN, et notamment la modification de l’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme, vous semblent-elles suffisantes en l’état actuel?

Les recours contentieux inquiètent évidemment nos clients puisqu’ils emportent de lourdes conséquences sur l'obtention de financements bancaires. Dans ce contexte, la loi ELAN constitue assurément une première étape pour nous aider à lutter plus efficacement et plus rapidement contre les recours abusifs contre les permis de construire.. Il faut maintenant qu'en pratique les différents acteurs de l'immobilier n'hésitent pas à mettre en œuvre tout l'arsenal juridique mis à leur disposition pour ne plus systématiquement transiger pour obtenir le désistement d'un requérant.

Pour autant, l'objectif de lutte contre les recours abusifs ne pourra être atteint que si ce mouvement est suivi par les magistrats et que ces derniers condamnent lourdement et de manière significative les auteurs de recours abusifs à la hauteur des réelles pertes financières subies par les acteurs de l'immobilier en cas de recours. 

Quels conseils dispenseriez-vous aux nouveaux élèves de l’IDPA?

S’ouvrir à d'autres pratiques un peu plus transverses comme l'immobilier et ne pas raisonner que sous le seul angle administratif et à l'aune des seules collectivités publiques. Et bien sûr, parfaitement maitriser l'anglais.