Maître Marie-Céline PELÉ, MCP Avocat

Extrait de la Gazette n°28 - Septembre 2017 - Propos recueillis par Oriane Olivier et Félix Giboire

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Me Marie-Céline PELÉ

MCP Avocat

Maître Marie-Céline Pelé, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs, leur exposer votre cursus ?

J’ai effectué mes quatre premières années de droit à l’université d’Evry Val d’Essonne – j’étais certainement la première Idpéiste issue de cette université. Ensuite, j’ai suivi un DESS de droit de l’urbanisme et de la construction à l’université Paris 12 (Créteil), puis un DEA de droit de l’environnement à l’université Paris 1.

J’ai rapidement voulu m’orienter vers le droit de l’urbanisme, ce qui m’a permis d’effectuer un stage à la DGUHC (Direction générale de l’urbanisme, de l’habitat et de la construction) au sein du ministère de l’équipement, sous la direction de Mme Brigitte Phémolant. Ce stage m’a totalement confortée à continuer dans cette voie. Par la suite, j’ai eu la chance de préparer des projets d’arrêts pour une section contentieux du Conseil d’État.

J’ai effectué mon stage final au sein du cabinet de Me Jean-Jacques Israël, ce qui fut très enrichissant car, en raison de sa petite taille, les stagiaires étaient amenés à traiter un grand nombre de tâches par eux-mêmes et n’étaient pas limités à faire des recherches juridiques. J’ai ensuite exercé pendant cinq ans au sein du cabinet Huglo Lepage. J’y ai eu l’occasion de traiter des dossiers portant sur de nombreux domaines du droit, ce qui fut très intéressant. J’ai quitté le cabinet au moment de l’importante scission à laquelle il a dû faire face.

J’ai finalement intégré le cabinet Seban & Associés en 2008 dans le pôle de droit de l’urbanisme. Le cabinet était à l’époque composé d’une trentaine d’avocats environ. J’ai donc pu assister, comme l’a relevé mon confrère Me Thomas Rouveyran (voir Gazette n°26 de juin 2017), au sensible développement du Cabinet, une telle croissance de Cabinet d’avocats demeure peu ordinaire en si peu d’années. J’ai été très honorée en 2015 d’être cooptée associée en droit de l’urbanisme et droit foncier.

Vous avez exercé depuis 2008 au Cabinet Seban & Associés, au sein duquel vous avez été cooptée associée en janvier 2015. Vous l’avez depuis peu quitté pour vous installer à votre compte. Pouvez-vous nous dire pourquoi ? Quelles sont les difficultés que vous pouvez rencontrer dans votre démarche ? Les avantages ?

C’est un choix personnel d’avoir quitté cette place fortement convoitée dans un cabinet de très grande renommée, pour débuter une nouvelle carrière … de quasiment zéro.

Ma prise de décision a été très rapide lorsque j’ai compris que mes aspirations n’étaient plus en phase avec ce qui était attendu de moi. C’est en regardant avec un intérêt renouvelé le parcours de confrères proches que j’ai commencé à réfléchir sérieusement à une installation personnelle, puis j’ai annoncé mon départ. Dans cet intervalle, il s’est seulement écoulé moins de deux mois.

Mon objectif en m’installant était d’être moins soumise aux contraintes administratives et de management, afin de traiter plus sereinement les dossiers, ainsi que de pouvoir plus aisément concilier ma vie professionnelle avec celle familiale.

Quitter une belle équipe fût vraiment difficile humainement mais l’enthousiasme de croire en son projet est aussi très fort.

Je bénéficie actuellement d’une domiciliation chez des consœurs et amies. Cela est rassurant de pouvoir commencer cette activité individuelle en ayant un lieu ouvert et dynamique, où l’on se sent à l’aise.

De plus, mon lieu d’habitation étant éloigné de Paris, je travaille plusieurs jours de la semaine chez moi.

Je ne dispose à l’heure actuelle que de très peu de recul sur mon activité à titre individuel puisqu’elle a débuté à la fin du mois de mars 2017.

C’est un choix personnel de vie offrant une liberté accrue d’organiser mon emploi du temps mais accompagné corrélativement d’une grande incertitude concernant les revenus de cette activité.

En effet, l’inconvénient majeur est naturellement l’incertitude à laquelle je dois faire face quant à l’avenir. Si je suis actuellement occupée par un certain nombre de dossiers, je n’ai aucune visibilité sur les six prochains mois et établirai un bilan après un an pour vérifier la viabilité de l’activité, alors qu’il faudra que je trouve des locaux à moyen terme.

Je porte un regard nouveau sur les actions de développement, auxquelles je dois procéder nécessairement aujourd’hui, car maintenant, le flux des nouveaux dossiers n’est pas incessant !

J’ai la volonté de persister dans les domaines dans lesquels j’exerçais (droit de l’expropriation, droit de la préemption, droit de l’urbanisme) et ai la chance qu’à ce jour, les dossiers qui m’ont été confiés, principalement par des particuliers, relèvent de ces matières.

Pourquoi avez-vous choisi de suivre la formation de l’IDPA ?

Dès que j’ai eu connaissance de cette formation, au moment de mon DEA, cela m’a paru évident de bénéficier d’enseignements tournés vers les matières de droit public et ce, d’autant plus que la réputation de l’IDPA était très bonne. Mon dossier ayant été retenu, c’était avec un grand bonheur que j’ai intégré la promotion 2001-2002.

J’en garde un excellent souvenir. D’une part pour l’entente entre les élèves, ce fût une année d’émulation intellectuelle dans une bonne ambiance, année qui a fini sur le succès d’un Idpéiste, Me Régis Froger, major de l’EFB (interviewé à la Gazette n°25 de mars 2017). D’autre part pour la qualité des interventions des professionnels qui nous ont fait comprendre les enjeux pratiques des régimes juridiques étudiés. Je n’ai pas été déçue de la qualité des enseignements – ce qui n’était pas toujours le cas concernant certains cours à l’EFB…

La plupart des élèves de notre promotion est restée dans l’avocature, en qualité d’associés ou de pré-associés : Cécile Fontaine (Fidal), Clémence Cordier (Earth avocats), Céline Sabattier (Peyrical & Sabattier Associés), Régis Froger (SCP Foussard Roger), Franck Lepron (UGGC), Laurence Deubelle (Claude & Sarkozy), Donatien de Bailliencourt (Granrut)…  certains Idpéistes se sont installés : Karelle Diot ou Isabelle Piquemal.

Pensez-vous qu’il est plus compliqué de monter sa propre structure lorsque l’on est collaborateur ou quand on a déjà été associé(e) dans un cabinet ?

Au final, j’ai été étonnée par la facilité et la rapidité avec laquelle on peut engager ce processus. Je pensais - et c’est peut-être cela qui m’a interdit d’y songer pendant longtemps- que cela serait bien plus compliqué. C’est en réalité assez simple de s’installer à titre individuel…. Le plus difficile étant naturellement que l’activité soit pérenne !

Concernant les dossiers que l’on peut égrainer, ce qui est certain est que l’expérience donne une assise qui va rassurer les clients, que ce soit eu égard au nombre d’années d’exercice ou au parcours professionnel, être devenu Associé apparaissant comme un critère primordial sur cet aspect.

L’expérience permet de mieux connaître les démarches à effectuer pour développer une clientèle.

L’installation doit avant tout être un choix libre et personnel. Je ne partage pas totalement le discours d’autres confrères pour lesquels l’exercice individuel est le véritable de l’exercice libéral, une collaboration n’ayant donc pas vocation à durer. Malgré le fait que l’option individuelle s’est imposée avec évidence dans mon cas après 14 années en Cabinet, je n’ai pas cette vision car j’estime au contraire que les avocats peuvent pleinement s’épanouir dans une structure collective.

Quel est votre point de vue sur l’influence des marchés publics sur la pratique du métier d’avocat, et ce notamment en matière de taux horaires ?

Ayant commencé à exercer en 2003, j’ai pu constater une véritable évolution en raison des taux horaires qui décroissent lors des réponses aux appels d’offre des marchés publics, ce qui tire inexorablement vers le bas les prix pratiqués généralement par les publicistes.

Dès lors, une réalité émerge : pour facturer autant, les avocats publicistes sont obligés de travailler davantage. 

Beaucoup de confrères ont parlé de manière très éclairante de cette situation, que ce soit Me Rouveyran ou Me Gabriel Benesty par exemple. Comme le relevait Me Thomas Rouveyran, le cabinet Seban & Associés a par exemple fixé un taux horaire plancher qu’il refuse de baisser.

J’ai l’impression qu’il y a un véritable fossé qui se creuse entre les avocats privatistes et les avocats publicistes en termes de taux horaire et qui est de nature à dévaloriser les prestations des seconds.

Cette évolution des prix à la baisse me semble aussi tendre les relations avec le client : il peut y avoir de relationnel traditionnel, comme si une simple consommation d’informations juridiques par courriels, pouvait remplacer un accompagnement juridique personnalisé avec une vraie valeur-ajoutée.

De plus, la réponse aux appels d’offres est très chronophage et les grosses structures sont bien mieux armées pour y répondre.

Malgré le passage du seuil des marchés publics à 25 000 euros H.T., je crains que les collectivités qui ont été habituées à des taux horaire assez bas rencontrent des difficultés à accepter que les prix soient rehaussés, d’autant moins au vu des budgets serrés des collectivités en ces temps de réduction des dépenses publiques de quel ordre que cela soit.

Quel est votre point de vue sur l’évolution des relations entre l’avocat et son client et sur la place des courriels dans la vie privée de l’avocat ?

Lorsque j’ai commencé en 2003 au cabinet Huglo Lepage, nous n’avions pas accès à une messagerie électronique. Aujourd’hui, quel avocat penserait à écrire une lettre à un client pour lui annoncer qu’il a reçu un avis d’audience ?

Tout se fait désormais par courriel. Il y a un avantage essentiel à cette situation : la rapidité des échanges. Il y a aussi de vrais inconvénients, qui sont observés globalement au sein la société : il est plus difficile de compartimenter le périmètre de son activité professionnelle car l’on est tenté de consulter constamment sa boîte mail, et de répondre immédiatement aux nouveaux messages.

Il existe en effet une attente (réciproque) de réponse instantanée qu’il faut savoir gérer pour ne pas trop empiéter sur la séparation vie professionnelle/vie privée.

Je pense que s’engager dans une course à la réponse toujours immédiate au client, c’est être constamment sous pression, ce qui est difficilement tenable sur la durée.

J’ai conscience du fait qu’il est imposé à certains avocats collaborateurs de consulter systématiquement leur messagerie. Ce n’était pas le cas au cabinet Seban & Associés pour les collaborateurs mais en tant qu’associée, il y avait une vraie nécessité de se tenir informée de tout ce qui pouvait évoluer dans les dossiers, urgence ou non.

Quel regard portez-vous sur les dernières réformes législatives et réglementaires en matière de droit de l’urbanisme ?

Un dédale sans cesse mouvant de textes qui ne s’imbriquent pas toujours clairement… Les objectifs sont certes louables, dont l’un principal est de favoriser la réalisation des projets de construction en simplifiant le corpus juridique à leur appliquer et en réduisant la période à l’issue de laquelle les autorisations afférentes deviennent définitives grâce à l’accélération de l’instruction des affaires contentieuses, ainsi que la volonté de fermer le prétoire.

Si le mouvement d’intégration entre eux de divers plans et d’autorisations distinctes doit continuer, le droit de l’urbanisme est complexe, de sorte que la législation sera immanquablement imperméable à de véritables simplifications salvatrices.

Par ailleurs, je crois hélas que le temps de la justice ne peut coïncider avec celui du chantier de construction, la complexité des normes applicables aux autorisations d’occuper le sol et autres autorisations n’est guère compatible avec un traitement convenable tout en étant accéléré des dossiers, dont le nombre ne semble pas diminuer malgré les leviers utilisés à cette fin.

En revanche, il est incontestable que les pouvoirs accrus confiés au Juge administratif permettent de limiter les annulations d’actes, document d’urbanisme ou permis, tout comme la « Danthonisation » du contentieux.

Un conseil pour la promotion actuelle de l’IDPA ?

J’ai envie de dire à la jeune génération : profitez de vos jeunes années qui correspondent à un moment de votre vie qui est plein de promesses, participer à des colloques car cela devient plus difficile avec le temps d’y assister sauf à y intervenir soi-même, écrivez des articles (quitte à ne les publier que sur son blog), soyez curieux et ouverts.

Pour les premiers contacts avec l’avocature, je conseillerais de tirer un maximum de profits du stage final, pour avoir la confirmation que c’est bien cette profession et dans ces matières que vous souhaitez exercer.

Tout ce que l’avocat fournira comme travail, toutes les heures qu’il passera à faire la moindre petite recherche, portera ses fruits ultérieurement. Ce temps-là, les avocats l’ont par la suite beaucoup moins et c’est la raison pour laquelle il importe de se spécialiser.