Maître Ludovic BABIN, Avocat associé - Hogan Lovells

Extrait de la Gazette n°21 - Septembre 2016 - Propos recueillis par Paul Cheysson et Christophe Farineau

Me Ludovic BABIN, Avocat associé - Hogan Lovells

Maître Ludovic BABIN, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs, en quelques mots ?

Oui, avec plaisir. J'ai 47 ans et j'ai prêté serment en janvier 1995.

S’agissant de ma formation académique, j’ai suivi un cursus en droit public – par goût ! – jusqu’à la maîtrise, à la faculté de Poitiers, avant de m’orienter vers le droit des affaires et l'international (DJCE option internationale et DESS de Droit du commerce extérieur à l’Université d’Aix-Marseille, dirigés par les Professeurs Jacques MESTRE et Philippe DELEBECQUE). Je suis également titulaire du DEA de droit anglais de l’Université de Paris I. Ces 3èmes cycles m’ont donné quelques réflexes en droit de la concurrence et en droit des sociétés notamment. Enfin, j’ai réussi l’examen d’entrée du CRFPA à Poitiers.

S’agissant de mon parcours professionnel, j’ai d’abord intégré le cabinet MOQUET BORDE (devenu, depuis lors, le cabinet Paul HASTINGS) où j’ai appris le métier d'avocat. Ce cabinet avait pour particularité de permettre aux jeunes collaborateurs de traiter des dossiers en dehors de leur "activité dominante". Ce fut donc mon cas, dans d'autres domaines que le droit public (concurrence, corporate, contentieux commercial, etc.). Au bout de trois ans, j’ai voulu revenir à une pratique centrée sur le droit public des affaires. Pour cela, j’ai rejoint en 1998 l’équipe de Paul LIGNIERES au sein du cabinet LANDWELL. Je m’y suis beaucoup investi et j’ai surtout appris une autre facette du métier d'avocat : sa dimension entrepreneuriale. Fort de ces différentes expériences, j’ai finalement rejoint le cabinet LOVELLS – HOGAN LOVELLS depuis 2010 – pour y créer l'équipe et la pratique de droit public.

Pourquoi avoir intégré l’IDPA ? Quel est, selon vous, l’intérêt d’intégrer une telle formation ?

J'ai entendu parler de l'IDPA le jour de mon inscription à l'EFB. On m'a vanté l'excellence de cette formation, son tropisme pour le droit public, l'intérêt du diplôme auprès des cabinets, etc. L'IDPA, c'est tout cela à la fois, plus un esprit de promotion et d'entraide, très utile dans la vie professionnelle. Sur le marché de l’emploi, c’est également et toujours un plus. S’agissant des cours, j'ai le souvenir d'une formation pratique et intellectuellement stimulante. J'ai notamment en tête les cours dispensés à la Cour administrative d’appel de Paris ou au Conseil d'Etat. Cela rend humble...

A notre connaissance, vous avez été Président d’une association de jeunes avocats en droit public. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?

Avec François-Charles BERNARD (mon maître de stage, à l'occasion de mon préstage chez Régis de CASTELNAU), nous avons créé l’association des jeunes avocats de droit public ("AJADP"). Il fut le premier Président, puis je l’ai été pendant 3 ans. L’association a compté une centaine de membres, tous âgés de moins de 35 ans. Son objet était large : outre l'organisation de conférences et de manifestations sur des thématiques de droit public, nous mettions en contact de jeunes avocats avec des cabinets à la recherche de collaborateurs en droit public.

Pourquoi avoir choisi de travailler dans un cabinet tel que HOGAN LOVELLS ? Quelle est la composition de votre clientèle ?

En 2002, le cabinet LOVELLS m’a proposé de créer, avec deux autres "transfuges" de LANDWELL, l’équipe de droit public. Nous avons créé l'activité de droit public « from scratch » [ndlr : à partir de rien] comme nous l'ont dit, à l'époque, plusieurs associés. Avec le recul, je me dis que c’était un pari un peu fou. Comme de nombreux cabinets anglais à l'époque, notre activité s'est adossée à celle dédiée au financement. Les débuts n’ont pas été faciles car, outre le traitement des dossiers en droit public, il fallait dégager du temps pour la démarche commerciale (propositions de services, rendez-vous prospects, publications, etc.). En termes de travail, je me souviens d'années très intenses.

Pour répondre à votre seconde question, notre activité chez HOGAN LOVELLS se partage, au global, à 80/20 entre clients français et internationaux. Notre clientèle française est composée à 50% d'entités publiques et 50% d'opérateurs privés (sponsors et banques). Les clients internationaux proviennent majoritairement de notre activité support auprès des autres départements du cabinet. Celle-ci se développe depuis la disparition, ou la quasi-disparition, des contrats de partenariat (les fameux "PPP") à partir de 2012.

Quel est votre positionnement sur le marché des contrats publics ? Plus généralement, comment se porte-t-il ?

Les contrats publics constituent notre "cœur de marché".

Les grandes opérations de concession, marchés complexes et marchés de partenariat, dans lesquelles le secteur public sollicite le secteur privé pour lever les financements nécessaires, nous intéressent car elles ont des enjeux importants. Notre positionnement naturel est celui des projets "large cap", c’est-à-dire des dossiers dont le coût d’investissement est supérieur à 300 millions d’euros.

Le secteur des contrats publics en France connait sans conteste un ralentissement en ce qui concerne les grands projets "greenfield". Ce processus est un peu compensé par le développement du marché "brownfield" (le marché des acquisitions ou des refinancements des actifs déjà construits). Autre phénomène, à mon sens durable : de nombreux cabinets d'affaires français et anglo-saxons travaillent sur des projets publics en Afrique, où les besoins sont importants. C’est également notre cas.

Quelles sont vos motivations quotidiennes dans l’exercice de votre profession ?

Je n’en avais pas conscience à mes débuts. Mais aujourd’hui, je vois deux ressorts essentiels à ma vie professionnelle.

La première est la dimension entrepreneuriale du métier d'avocat qui est pour moi un vrai moteur. Lorsque je gagne un nouveau mandat, y compris pour un client existant, j’éprouve le même bonheur que lorsque je gagne une affaire au contentieux ! Ce qui est intéressant, c'est d'identifier et d'anticiper les projets, de réfléchir aux problématiques juridiques qu'ils pourraient poser et de définir une stratégie d'approche vis-à-vis du ou des clients potentiels, qu'il s'agisse du secteur public, des consortiums ou des prêteurs. C'est chronophage, mais tellement satisfaisant lorsque cela aboutit ...

La seconde est l’indépendance et la liberté de l’avocat. La liberté de pouvoir dire ce que l’on souhaite dire, sans autre limite que l'intérêt de son client, cela n’a pas de prix. Je constate que lorsqu’on vient me consulter sur un dossier complexe et/ou sensible, ma situation est paradoxalement très confortable (par rapport à un directeur juridique, par exemple). C’est le statut d'avocat qui offre ce confort.

Quelle est votre opinion sur le statut d’avocat salarié ?

Dans les cabinets d'affaires, le travail au quotidien est le même que celui de l'avocat collaborateur. Il y a certains avantages à être avocat salarié - charges payées par le cabinet et soumission au droit du travail – mais un inconvénient : tous les prospects et clients reviennent à la structure qui vous emploie. Cela peut représenter un handicap lorsque vous quittez ce type de structure pour devenir avocat libéral.

Quelles-sont selon vous les qualités essentielles d’un jeune avocat ? Vos critères de recrutement ?

De manière générale, je recherche des profils disposant d'une solide formation en droit public, disponibles et motivés, mais aussi sympathiques. Le cursus académique n’est pas le seul critère ; les stages sont importants et me permettent d’apprécier si le candidat a travaillé sur des dossiers semblables à ceux que je suis amené à traiter. Enfin, et même si les premières années d'apprentissage sont difficiles, le candidat idéal doit être souriant et avoir de l'humour.

C'est la même chose s’agissant des stagiaires, avec une exigence spécifique supplémentaire : ils doivent impérativement apprendre à faire des recherches exhaustives ; j’ai l’habitude de leur dire « le temps que tu perds, c’est du temps que je gagne ! ».

Quels conseils donneriez-vous à un jeune avocat qui entend développer sa clientèle ?

A mon sens, il est préférable pour commencer de développer la clientèle de la structure dans laquelle on travaille. Développer sa propre clientèle, en étant jeune avocat, c’est très ambitieux. On commence à être véritablement opérationnel au bout de trois ou quatre années et je recommande d’attendre cette période avant de commencer à avoir sa clientèle. Gérer un client et un dossier, ce n’est pas simple.

Quels conseils donneriez-vous à la promotion actuelle de l’IDPA ?

Soyez opportunistes. Aujourd’hui, le marché de l'emploi est difficile. Si vous avez une proposition de collaboration, même si ce n’est pas le cabinet de vos rêves, il faut la saisir ! Ce qui compte, c’est d’intégrer la profession et d'apprendre son métier. Une fois le pied à l’étrier, on s'aguerrit, on développe ses contacts, on s'améliore : on devient "visible". Une fois avocat, changer de cabinet devient plus facile.