Maître Jean-Sébastien ORIOU, Avocat associé - Cabinet Fidal

Extrait de la Gazette n°20 - Juin 2016 - Propos recueillis par Baptiste Cousseau et Christophe Farineau

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Me Jean-Sébastien ORIOU

Avocat associé - Cabinet Fidal

Maître Jean-Sébastien ORIOU, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs, nous exposer votre cursus ?

J’ai rapidement perçu que pour pratiquer le droit public, il fallait également maîtriser les notions de droit privé. Pour ne donner qu’un exemple, le régime des contrats publics est largement influencé par le droit privé des contrats. Instinctivement, j’ai pensé qu’obtenir une double maitrise (droit privé et droit public) serait intéressant pour ma formation. Après celle-ci, j’ai intégré le DESS « Droit de la construction et de l’urbanisme » de l’Université de Poitiers, alors dirigé par le Professeur PÉRINET-MARQUET. Déjà très intéressé par les travaux publics et le secteur du bâtiment en général, j’ai voulu compléter ma formation universitaire en suivant le master spécialisé « Maîtrise d’ouvrage et gestion immobilière » de l’ESTP (École spéciale des travaux publics, du bâtiment et de l'industrie). J’ai également réalisé un stage auprès de la sous-direction des travaux publics au ministère de l’équipement pendant un an. En pleine réforme du Code des marchés publics, il m’a permis de suivre et de participer aux différentes discussions sur celle-ci. Ce fût une expérience très enrichissante. Enfin, j’ai, bien évidemment, intégré l’Institut de droit public des affaires.

D’autres activités à mentionner ?

J’enseigne dans le master 2 « Droit bancaire et financier » de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. C’est le Professeur NEAU-LEDUC qui m’avait suggérer d’intervenir dans ce master afin d’y enseigner le financement de projet, matière qui intègre de nombreuses problématiques propres au droit public.

Je suis par ailleurs parrain de l’association « Nos quartiers ont des talents ». Il s’agit d’une association d’aide à l’insertion professionnelle des jeunes diplômés issus de milieux sociaux modestes. Elle vise à rétablir, en quelque sorte, l’égalité des chances entre les candidats à un emploi.

Pourquoi aviez-vous choisi de suivre la formation de l’IDPA ?

Alors que les études à l’EFB traitaient de tous les domaines du droit, l’IDPA offrait une formation complémentaire ciblée en droit public des affaires. L’institut m’apparaissait comme une évidence puisque je souhaitais me spécialiser rapidement.

Quels souvenirs gardez-vous de l’IDPA ?

J’en garde le souvenir d’une formation de grande qualité ! L’intérêt de l’IDPA est également de se retrouver et d’échanger entre publicistes ; on était du même sérail, avec la même ambition. Je reste d’ailleurs marqué par la cohésion et la richesse des discussions au sein de ma promotion. C’était d’autant plus remarquable qu’à mon époque, nous étions peu de publiciste à vouloir embrasser la profession d’avocat ; il faut dire que l’examen d’entrée n’était pas taillé pour nous !

Pourquoi avoir choisi la profession d’avocat ?

D’une part, j’apprécie beaucoup l’activité de conseil. D’autre part, j’ai toujours bien aimé l’économie et la finance. Si je m’épanouis aujourd’hui, c’est parce que ces deux éléments sont présents, une dimension économique et financière qui s’ajoute au conseil juridique.

Je dis souvent que le droit est au service de l‘économie et de la finance. L’avocat connaît bien les problématiques rencontrées par les clients ; elles mêlent économie, finance et droit. Son rôle est de réussir à traduire cette transversalité en termes juridiques. C’est particulièrement tangible dans un dossier PPP : financier et juridique s’entremêle et l’avocat doit agir comme un chef d’orchestre.

Pouvez-vous nous présenter la structure dans laquelle vous êtes associé, ses particularités ?

Avec 95 bureaux répartis sur toute la France et près de 1450 avocats, le cabinet Fidal est le premier cabinet d’avocats en France par le chiffre d’affaires et par la taille. Pour la deuxième fois consécutive, il est également le premier cabinet d’Europe devant Garrigues, cabinet d’avocats espagnol. Quarante de ces avocats sont publicistes et la moitié exercent à Paris.

L’ambition de Fidal est d’avoir un maillage local très fort ; c’est l’ADN du cabinet. Notre idée à travers ce maillage est de constituer une expertise pointue de droit public articulée autour de pôles comprenant les principales spécialités du secteur : les contrats publics, le « corporate public » (interventions économiques des collectivités territoriales et droit de la fonction publique) ainsi que l’urbanisme et l’aménagement. Longtemps, le droit public est resté essentiellement parisien. Aujourd’hui, force est de constater qu’il existe des cabinets de grande qualité en province ; le cabinet SOLER-COUTEAUX / LLORENS à Strasbourg en est un exemple.

L’organisation du cabinet est également très spécifique, peu commune. En effet, au-delà des avocats opérationnels, il existe également une direction technique au siège qui remplit deux objectifs essentiels : constituer la doctrine du cabinet en matière de droit public et mettre cette technique au service du développement, sur des missions à haute valeur ajoutée (formation notamment). J’anime moi-même cette direction technique pour le droit public. Géraldine CHAVRIER, Professeur de droit public à l’Université Paris I, intervient également comme of counsel pour cette direction et les 40 avocats publicistes.

Aujourd’hui, en sus des trois pôles déjà mentionnés, un quatrième dédié à l’énergie et aux ressources naturelles se renforce. Cécile FONTAINE et Guillaume DEZOBRY, anciens du cabinet Seban, nous ont d’ailleurs rejoints pour développer ce domaine.

Pourquoi avoir rejoint un cabinet comme Fidal ? Nous avons pu lire dans l’un de vos entretiens que FIDAL était un cabinet de « culture française » avec un positionnement international, pouvez-vous nous en dire plus ?

En arrivant chez Fidal, je suis passé d’un cabinet de niche à un cabinet pluridisciplinaire à dimension internationale. Ce changement est lié au fait que je souhaite offrir à mes clients un accompagnement « full-service ». C’est ce que ces derniers - collectivités, État ou entreprises - attendent de toute évidence de leur conseil : des expertises pluridisciplinaires, complémentaires et une approche transversale dans les dossiers. Je pense notamment à la fiscalité, au droit des sociétés, au droit économique, à la propriété intellectuelle, au droit du financement, etc.

Le deuxième aspect qui m’a plu chez Fidal, c’est son rayonnement, notamment au niveau local. Il est vraiment très intéressant de pouvoir compter sur des confrères du même cabinet en province pour développer nos dossiers.

Le dernier aspect, qui est un axe fort de développement pour le cabinet, est le déploiement à l’international. Je souhaitais être plus présent à l’étranger, notamment en Afrique, sur des projets d’infrastructures et d’énergie.

Vous évoquez le sujet de l’Afrique. Pouvez-vous nous expliquer votre stratégie de développement qui, à notre connaissance, est différente de celle d’autres cabinets ?

Nous avons une politique de partenariat avec des correspondants bien établis. Nous partons du principe que pour bien accompagner le client, nous avons besoin d’experts juridiques basés en Afrique, de personnes qui connaissent parfaitement le droit et l’environnement des affaires sur place parce qu’ils ont étudié en Afrique et en Europe - ou aux Etats-Unis. Ainsi, les correspondants ne sont pas de simples sous-traitants.

À titre personnel, je ne crois pas à l’implantation à partir de rien d’avocats français en Afrique. L’idée est donc de conserver cette spécificité que l’Afrique possède, à savoir de plus en plus de cabinets avec des professionnels de qualité.

Votre cabinet conseille aussi bien le secteur privé que le secteur public, y compris des collectivités de taille moyenne. Que répondez-vous à ceux qui croient qu’il est difficile de concilier les deux ?

Vous avez raison, compte tenu de notre organisation, nous avons une typologie de client qui est assez large, allant de la PME à l’entreprise du CAC 40, de la petite collectivité à la grande. Cette diversité est assumée. Je crois au contraire que pour conseiller au mieux nos clients, il faut comprendre les contraintes propres aux différents acteurs. On ne peut pas bien conseiller sans avoir été, à un moment donné, de chaque côté de la barrière.

Deuxièmement et concernant le sujet du conflit d’intérêts, nous sommes particulièrement scrupuleux sur ce point. Il faut également bien comprendre que cette notion n’a pas un sens aussi large que l’on pourrait le penser de prime abord ; il existe une définition juridique précise de cette dernière. En réalité, ce que l’on rencontre le plus souvent, c’est le conflit commercial, mais pas le conflit d’intérêts au sens juridique du terme.

Troisièmement et s’agissant des collectivités territoriales, la concurrence est aujourd’hui très forte ! Les prix pratiqués par certains de nos confrères peuvent apparaitre comme prédateurs. Il ne faut pas se voiler la face, une prestation de qualité a un prix. C’est une grande problématique des cabinets en matière de droit public qui gagnerait à être traitée.

Quelles sont, selon vous, les qualités d’un bon avocat ?

En premier lieu, un bon avocat doit avoir une culture juridique assez large. Il faut nécessairement maîtriser les notions des autres disciplines notamment pour, le cas échéant, orienter votre client vers un confrère capable de répondre à la problématique posée. Je pense d’ailleurs que l’hyper spécialisation présente des inconvénients sur ce point, trop avocats n’ont pas cette ouverture sur les autres matières qui me semble pourtant indispensable.

En deuxième lieu, un avocat doit également avoir une culture économique et financière. Cela ne se retrouve pas systématiquement, sauf pour ceux qui ont déjà suivi un double cursus en université et en école de commerce. En ce qui me concerne, cela fait quinze ans que je pratique les contrats et je suis constamment confronté à ces problématiques ; on apprend également très vite par l’expérience. C’est d’ailleurs ce que je recherche chez les jeunes collaborateurs : l’envie d’apprendre, la curiosité d’esprit.

En troisième lieu, la maîtrise parfaite de la langue anglaise – même pour les publicistes – est primordiale.

Enfin, le bon avocat doit savoir prendre du recul sur les questions qui lui sont soumises et ne pas se limiter à traduire ce qu’il peut lire dans les ouvrages ou la jurisprudence. Celui-ci doit savoir mener une vraie réflexion sur les questions posées.

Un conseil pour la promotion actuelle de l’IDPA et celles à venir ?

Je pense qu’il faut bien répertorier les cabinets qui peuvent être intéressants ; ne pas privilégier exagérément les plus gros ayant déjà une équipe déjà bien établie en droit public, mais plutôt repérer ceux en développement. Aujourd’hui, beaucoup de cabinets de taille réduite recherchent des avocats spécialisés en droit public. Je suis persuadé que le secteur va continuer à se développer. L’autre conseil que je peux donner est de constituer des expériences à l’international. Faire des stages dans des structures étrangères est une très bonne idée, ceci même si ce n’est pas dans la discipline que l’on entend pratiquer plus tard. Enfin, il ne faut pas oublier que la profession d’avocat consiste à vendre de son temps, la disponibilité est donc un caractère essentiel.