Extrait de la Gazette n°19 - Mai 2016 - Propos recueillis par Christophe Farineau et Victoria Goachet
Me Paul ELFASSI
Avocat associé - BCTG Avocats
Maître Paul ELFASSI, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs en quelques mots ?
Je suis associé au sein du cabinet BCTG Avocats, qui compte une quarantaine d’avocats dont 11 associés. J’ai débuté mes études de droit à l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) avant d’intégrer le DEA « Droit public interne » de l’Université Paris II Panthéon-Assas. Après avoir hésité à poursuivre une thèse, j’ai décidé de passer le barreau car j’étais impatient de mettre en pratique ce que j’avais appris. J’ai également postulé à l’IDPA, un incontournable ! Dans ma logique d’expertise, je suis également titulaire du certificat de spécialisation en droit public.
Dans le cadre de l’IDPA, j’ai eu la chance de faire mon stage au sein du Cabinet CMS Bureau Francis Lefebvre où j’ai ensuite été recruté. Je dois beaucoup à Jean-Luc Tixier, associé du département droit public / droit immobilier, qui m’a formé « à l’ancienne » en reprenant tout mon travail, mot à mot.
Je suis resté 8 ans au « Bureau », en y développant peu à peu mes spécialités : le droit de l’urbanisme, de l’environnement, de l’énergie et des énergies renouvelables. A l’époque, ces domaines ne me semblaient pas être les priorités d’un grand cabinet comme CMS et je cherchais à me spécialiser encore. En outre, on incitait les collaborateurs à développer leur activité à partir des clients existants du cabinet, alors qu’étant foncièrement entrepreneur, j’étais enclin à les rechercher à l’extérieur.
Fort d’une clientèle propre et que savais fidèle, j’ai rejoint comme associé le cabinet CGR Legal avec lequel il nous est apparu logique de mutualiser nos forces, et j’y suis resté 6 ans, jusqu’en 2014. Ce fut une expérience très enrichissante mais ce cycle s’achevait et il était temps de poursuivre mon développement.
BCTG Avocats s’est très naturellement imposé comme le meilleur choix pour mon équipe et moi-même et j’en suis devenu associé en 2014. C’est un véritable cabinet d’affaires « full services », très dynamique et au sein duquel il existe un véritable affectio societatis. Toutes ces qualités m’étaient indispensables, ainsi qu’à mes clients qui ont besoin d’avoir une telle transversalité au-delà du droit public
Votre spécialisation vous a permis de vous investir dans la vie associative, notamment au sein du Syndicat des énergies renouvelables. Pouvez-vous nous en parler ?
Je me suis en effet investi très tôt au Syndicat des énergies renouvelables (SER) et y suis élu par ses adhérents, principalement des entreprises, depuis longtemps. Actuellement, je suis président du pôle réglementaire de la commission éolienne ainsi que du comité loi et réglementation de la commission SOLER (dédiée au photovoltaïque). Le syndicat regroupe les énergies renouvelables, et défend avec une vraie conviction et avec efficacité l’intérêt général de tous les acteurs de ces filières. Participer au SER me permet ainsi de mettre une partie de mon temps et de mes compétences au service de cet intérêt général, ce qui me rapproche de mon goût pour la chose publique.
Je pense d’ailleurs qu’il faut cesser d’opposer sans cesse le monde de l’entreprise et l’intérêt général, voire le bien commun. Il en est de même pour la défense de l’environnement par exemple : mes clients sont des entreprises et nombre d’entre elles et de leurs collaborateurs œuvrent sincèrement pour la défense et la préservation de la planète. Et j’y participe aussi, notamment lorsque nos audits juridiques les conduisent à être encore plus exigeants dans leurs analyses environnementales.
Quels souvenirs gardez-vous de l’IDPA ?
J’en garde un excellent souvenir car j’ai eu la chance de beaucoup apprendre et de lier des amitiés profondes. C’était – et c’est toujours ! - une formation sélective et indispensable. Il faut remercier Jean-Pierre Boivin d’avoir eu cette ambition pour le droit public des affaires et l’ensemble des professionnels qui ont pris sa suite et contribuent à la réussite de l’IDPA. Pour ma part, c’est grâce à un cours (un samedi matin ...) que j’ai découvert l’intérêt des études d’impact sur l’environnement et notamment ce côté technico-juridique qui me passionne.
J’ai également beaucoup apprécié les cours dispensés par les magistrats administratifs. Je note à cet égard qu’il y a trop souvent des incompréhensions entre ces derniers et les avocats. J’espère que l’IDPA pourra contribuer à faciliter les échanges entre ces deux Professions.
Pensez-vous que la profession d’avocat soit actuellement en mutation ?
Il faut d’abord préciser que la Profession est particulièrement hétérogène. Ce qui se développe actuellement sur Internet, sous forme de consultations un peu automatisées et sans relation avec le client, ne me semble pas s’appliquer à une pratique très spécialisée. Il ne faut pas pour autant négliger les évolutions relatives aux métiers du droit. À ma petite échelle déjà, la généralisation des bases de données en ligne a révolutionné la manière de travailler. A titre d’exemple, il n’y avait pas même légifrance lorsque j’ai commencé à exercer ! La méthode juridique et le raisonnement – déductif – ne doivent pas pour autant y perdre et c’est à mon sens l’un des enjeux. De même, si on a un meilleur accès à l’information, celle-ci devient pléthorique et avec l’instabilité chronique du droit, le conseil et la prise de décision par les acteurs économiques devient de plus en plus difficile.
Quelle vision avez-vous des relations avec vos clients ?
Une vision de long terme fondée sur des objectifs communs. C’est assez proche en somme de ma conception de la collaboration en cabinet d’avocat : je pense qu’il faut définir un projet avec chacun des membres de l’équipe.
Le bon conseil juridique suppose une relation durable. Il faut connaître son client et le client doit connaître son avocat, instaurer une relation de confiance. J’aime contribuer aux projets de mes clients, les suivre de leur conception à leur réalisation. Il est d’ailleurs fréquent que je me rende aux inaugurations qui sont la concrétisation de ce travail d’équipe.
Le secteur de l’énergie est-il toujours porteur en France ?
Absolument, cette niche est loin d’être saturée et j’ai encore eu plaisir d’entamer ces dernières années des relations avec de nouveaux clients dans ce secteur riche en innovations technologiques. S’agissant plus particulièrement des énergies renouvelables, la France est devenue très attractive par rapport aux autres pays européens et nous voyons revenir des acteurs étrangers.
Les énergies renouvelables sont par ailleurs en pleine mutation car leur système de soutien est en train d’évoluer. Etant de plus en plus matures, au tarif d’achat de l’électricité renouvelable fixé par voie réglementaire, va être progressivement introduit une part variable dépendante du prix de marché de vente de l’électricité.
Pour autant, il y a encore beaucoup à faire pour simplifier le droit de l’énergie et permettre le développement des projets. La complexité en ce domaine atteint des sommets et, pour caricaturer un peu, lorsque les projets ne sont pas freinés par la réglementation, ils le sont par le nombre de recours. Les tentatives de simplification intervenues récemment n’ont pas encore effacé ces difficultés. En outre, la création d’un régime nouveau apporte toujours de nombreuses questions nouvelles et des incertitudes. On peut donc parfois préférer un régime imparfait, mais connu de longue date et bien appréhendé par une jurisprudence stable, que de nouvelles règles qui ne permettront pas aux entreprises de se fonder sur des règles suffisamment précises.
Quels conseils donneriez-vous à la promotion actuelle ?
Les premières années sont essentielles, elles peuvent déterminer une carrière. Il convient donc de bien choisir ses spécialités, et le type de structure dans lequel on désire exercer. Il y a en effet d’importantes différences entre un cabinet français ou anglo-saxon, un cabinet ayant une clientèle d’entreprises ou au contraire de collectivités. Mais avant tout, il faut à mon avis privilégier l’humain ...
J’ajouterai qu’il est indispensable de développer une clientèle propre si l’on ambitionne de devenir associé. Il me semble donc important que le collaborateur cherche progressivement à développer un flux d’affaires qui lui soit attaché en prenant appui sur la structure. Il n’y a pas de grand secret : une fois identifié un secteur porteur, il faudra ensuite beaucoup de travail et un peu de chance pour fidéliser des clients.