Maître Delphine JAAFAR, Avocat associé - Bismuth Avocats

Extrait de la Gazette n°18 - Mars 2016 - Propos recueillis par Christophe Farineau et Victoria Goachet

Me Delphine JAAFAR

Avocat associé - Bismuth Avocats

Maître Delphine JAAFAR, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs en quelques mots ?

Je suis aujourd’hui avocat associé au sein du Cabinet BISMUTH AVOCATS. D’origine nantaise, j’ai réalisé les débuts de mon cursus universitaire dans cette ville avant de partir à l’étranger (Espagne) et de terminer mes études sur PARIS au sein du DESS Contentieux droit public de l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne. J’ai enfin intégré l’IDPA, lors de ma formation à l’EFB), qui m’avait été recommandé par le professeur René HOSTIOU.

Ayant pu effectuer diverses expériences en cabinet d’avocats durant mon parcours universitaire, Maître Jean-Pierre Boivin m’a judicieusement proposé d’effectuer mon stage EFB au sein du Centre National de l’Expertise Hospitalière (CNEH). Ce dernier, qui était une émanation du Ministère de la santé créée pour gérer les achats, est aujourd’hui une structure privée dédiée à la formation et au conseil. Ce stage m’a beaucoup appris car le CNEH traitait toutes les questions juridiques appliquées aux établissements publics de santé (droit fiscal, droit des propriétés publiques, droit de la fonction publique, droit de l’organisation sanitaire, droit des autorisations sanitaires, droit de la coopération hospitalière ...). La difficulté de ce stage tenait au fait que le milieu hospitalier est un domaine à part avec un vocabulaire et des techniques propres qui m’étaient totalement étrangers alors et que j’ai du m’approprier. Je ne disposais d’aucun bagage universitaire consacré au droit de la santé et j’ai donc du faire mes preuves.

Le CNEH a souhaité m’embaucher à l’issue de ce stage. Déterminée néanmoins à être avocate, je suis devenue collaboratrice chez Peisse Dupichot et associés (droit des affaires) mais détachée au CNEH pendant 4 ans. Cette expérience m’a permis de réaliser qu’il existait un marché prometteur sur lequel peu de cabinets étaient positionnés. J’ai donc décidé dans un premier temps de m’installer à mon compte car je disposais déjà d’une clientèle propre. Le cabinet Ricard Demeure & associés m’a ensuite contacté. J’y ai passé 3 ans avant d’intégrer le cabinet Bismuth en tant qu’associée afin d’asseoir et de développement le département SANTE PHARMACIE & BIOTECHNOLOGIES du Cabinet.

Quelles difficultés avez-vous rencontrées en vous installant à votre compte ?

Je n’ai pas eu de difficulté particulière quant à la clientèle. C’est plutôt la question de travailler seule qui me dérangeait puisqu’on atteint vite ses limites en termes de développement d’activité mais l’expérience a été riche. Fondamentalement je suis une entrepreneuse, anticiper l’existence de potentiels marchés, trouver de nouveaux moyens de communiquer correspondait – et correspond toujours ! - à mon état d’esprit. J’ai néanmoins renoncé à ce mode de fonctionnement car je crois fondamentalement en ce qu’apporte l’association à savoir une synergie de groupe. Par ailleurs, aujourd’hui la taille d’une structure devient déterminante pour pouvoir s’imposer sur un marché.

Comment arrive-t-on à majorer l’EFB ?

En étant une élève studieuse (rires) !. Je l’admets, j’ai toujours été travailleuse et surtout très à l’aise à l’oral, ce qui a sans aucun doute contribué à ce résultat. Ce n’était là ni un objectif ni une recherche. Mais c’est une bonne chose à mon sens qu’un publiciste l’ai fait

Vous avez également été secrétaire de la conférence du stage, quels souvenirs en gardez-vous ?

Cette expérience était incroyable, je la recommande à tous les publicistes. J’ai réalisé mon année en tant que secrétaire en parallèle de mon contrat de collaboration, ce qui était encore possible au début de mon parcours.

Je n’avais jamais fait de concours d’éloquence mais j’ai toujours été attirée par l’art oratoire. D’ailleurs, mon grand regret en choisissant la matière publique était précisément la quasi-absence de procédure orale même si les choses ont tendance à évoluer.

La Conférence a été plus particulièrement intéressante à deux égards. D’une part, cela m’a permis de découvrir le fonctionnement du Palais et, d’autre, part, la conférence du Barreau offre l’accès à un réseau solide en France comme à l’étranger. En charge plus particulièrement de la francophonie, j’ai ainsi pu représenter les jeunes avocats du Barreau de Paris dans de nombreux pays et notamment sur le continent africain.

Lorsque que l’on est Secrétaire de la Conférence du Barreau de PARIS, on assure toutes les commissions d’office criminelles au Palais de Paris ainsi que les renvois de comparution immédiate. J’ai demandé à faire le maximum de permanences pour me former réellement au droit pénal, matière qui, contrairement à la pensée communément répandue, peut constituer un atout majeur pour tout avocat publiciste. Grâce à la conférence, j’ai pu offrir un véritable volet pénal à mes clients et le développer dans le domaine de la santé.

Votre cabinet a développé une partie de son activité en Afrique. Pouvez-vous nous en parler ?

Les barreaux africains sont assez jeunes et souvent généralistes ou affairistes. Mes confrères africains m’ont fait part d’un réel besoin autour de ma spécialité. En effet, la santé est un besoin primaire dans tous les pays et particulièrement en Afrique où de nombreuses organisations lèvent des fonds (AFD, Banque africaine de développement, UE...) et ont besoin d’une expertise pour les accompagner. J’ai ainsi constitué un groupement d’avocats (aujourd’hui 7 cabinets, prochainement 11) pour développer ces compétences. La tradition juridique commune de droit continental a bien sûr aidé à la réalisation de ce projet.

Ma mission est de former les confrères avec qui je travaille pour faire de cette plateforme l’interlocuteur de référence en droit de la santé en Afrique. Il est intéressant de se servir des écueils commis par les pays européens dans la construction de leur système de santé. Il est par ailleurs important, aujourd’hui plus que jamais, d’ancrer le droit continental. En effet, les cabinets anglo-saxons et chinois sont très présents sur ce marché et tentent logiquement d’imposer le système de la common law.

Intervenir sur le marché africain implique nécessairement d’adapter la manière dont on travaille puisqu’il est notamment nécessaire d’être vraiment présent sur place pour construire des partenariats durables. Dès le début de mon activité, j’ai intégré dans mon organisation de travail une dimension nomade qui m’a permis de m’adapter plus aisément. Il m’a tout de même fallu dix ans pour obtenir la confiance d’un réseau solide et fiable sur le continent africain.

L’activité en Afrique est déjà conséquente mais a vocation à se développer davantage notamment en droit public.

Les contrats types PPP ou marchés publics sont des leviers incontestables de l’investissement sur ce continent. J’ajouterai que ce marché est intellectuellement très stimulant pour les avocats car nous participons à des projets très enthousiasmants notamment en matière de légistique.

Je conclurai sur ce sujet en rappelant que la seule manière de s’imposer durablement sur ce marché en expansion est de raisonner en logique de partenariat avec d’autres acteurs.

Quels souvenirs gardez-vous de l’IDPA ?

J’en garde un excellent souvenir ! Une partie de ma promotion de DESS a intégré le diplôme en même temps que moi, ce qui nous a permis de développer rapidement un vrai esprit de promotion. L’IDPA est un véritable « cocon » à l’intérieur de l’EFB, ceci est assez rassurant et permet de créer une dynamique de groupe. J’ai pu conserver des liens avec un certain nombre d’élèves de ma promotion.

Par ailleurs, j’ai vraiment apprécié les travaux avec les magistrats administratifs. En tant que futur avocat, il était très constructif de voir et comprendre comment raisonne le juge, notamment en se mettant à la place du rapporteur. On repense alors totalement la manière de construire et de rédiger ses écritures. Les cours de Maître Jean-Pierre Boivin étaient également passionnants.

L’IDPA a joué un rôle fondamental dans ma vie professionnelle. Mon stage a également fondé mon parcours : je n’aurais pas eu autant de plaisir à faire mon métier sans cette rencontre avec le droit de la santé. C’est aussi en étant très spécialisée que j’ai pu devenir associée rapidement.

Quels conseils donneriez-vous à la promotion actuelle ?

Il faut être conscient que la profession d’avocat est très exigeante : il faut toujours être réactif, fournir un travail de qualité et innover. Le métier requiert donc beaucoup d’investissement avec la conséquence qu’il peut parfois être compliqué de mener de front sa vie professionnelle et sa vie privée.

Surtout, à mon sens, il faut assez tôt se poser la question de savoir si l’on souhaite développer ou non une clientèle propre. La différence fondamentale entre l’avocat et le juriste (réserve faite des règles de notre profession bien évidemment et qui constitue le socle de l’avocature) réside dans cette démarche entrepreneuriale. Il est donc essentiel de se demander « quelle est ma stratégie d’évolution?». La réponse peut avoir de nombreuses conséquences notamment sur le choix du cabinet, sur l’ouverture à l’international ou tout simplement sur la manière d’aborder la profession.